les pérégrinations d'un déporté
Journal d'un déporté.
Mon grand-père Jean Arthur DUCARME né le 5 Septembre 1898 a été Arrêté le 29/10/44 à Raon/Plaine 88 par la Gestapo pour faits de résistance (maquis G.M.A. Vosges - Région du Donon). Interné au camp de Schirmeck 67 (block 11) jusqu'au 17/11/44, puis transféré aux camps de Dachau (Mle131134 - block 17, Auschwitz (Mle 200268 ) et Monowitz d'où il a été libéré le 22/01/45 par l'armée Russe.
Ces faits sont relatés dans le récit auto-biographique ' SE QUESTO È UN UOMO' (SI C'EST UN HOMME) de l'écrivain italien Primo LEVI, son compagnon de captivité. - Voir le chapitre intitulé 'Histoire de dix jours'. Il est Arthur, l'un des deux 'politiques' français, l’autre étant Charles CONREAU.
C’est une partie du journal, qu’il a rédigé, que j'ai mis en ligne ci-après (de Novembre 1944 à Juillet 1945, date de son retour en France). Il y relate ses inquiétudes sur le sort de son épouse et de sa fille et retrace, au jour le jour, le détail de son ‘voyage’ de retour.
On retrouve également mention dans le livre de Ian THOMSON "Primo Lévi - A Life" - (ISBN 0-312-12367-5) paru en 2004 aux éditions Picador, (pages 199-202) ainsi que dans l'ouvrage de Jean SAMUEL paru chez Robert Laffont en 2007 - "Il m'appelait Pikolo", consacré à Primo Lévi (pages 62 et 81)
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11/1944
Novembre 1944
01/11 Triste Toussaint pour moi. J’ai commencé le travail, piqué des feuilles.
02/11 Je travaille dans le camp. Il fait très froid, j’ai faim et suis triste.
03/11 Je ne dors pas, j’ai le cafard. Un alsacien m’a donné une chemise, une serviette
04/11 On a pas grand chose à manger. 1 fond de pain et une soupe le soir.
05/11 Toujours le cafard, j’ai froid le jour et la nuit 1 couverture pour (..)
06/11 Reçu une soupe froide en supplément de la cuisine des SS.
07/11 Mangé des croutes des poubelles destinées aux lapins du camp.
08/11 Mangé 2 carottes crues, toujours le cafard.
09/11 Reçu lettre de chez nous. Je pleure de plus en plus – Cafard
10/11 11/11 Reçu de E. MATHIEU, 2 chemises 1 caleçon, 1 tricot, 1 Cache-nez
12/11 Reçu le paquet de Louise et saucisse de Frantz.
16/11 Avant de partir, reçu la dernière lettre de chez nous. A quand la prochaine.
17/11 Quitté Schirmeck à 8 heures du soir pour Dachau par le train.
Arrivés en bon port le 19 à 3 heures après midi. Dépouillement total de tous nos effets et passé à la désinfection. Sortis tout nu dans la rue par une pluie glaciale. Le lendemain et jours suivants appels sur appels. 2 à 3 heures de stationnement sous la pluie tête et pieds nus.
Le 21 en route pour Birkenau, nouvelle torture en wagons à bestiaux. 60 hommes par wagon.
Arrivés le 23 nouvelle désinfection et trotte à travers des routes pas possibles à 1 heure du matin pour venir coucher à Auschwitz. Couché 2 nuits et repartis le 25 à Monowitz dans un bloc de quarantaine. Mal couché dans un lit avec couvertures malpropres. La vie serait à peu près passable pour le moment si ce n’était des appels et stations continuelles sous la pluie et par un vent glacial. J’ai le cafard et la diarrhée
*Je n’ai jamais reçu le gâteau d’Annie. J’ai pleuré en pensant à son anniversaire
12/1944
Décembre 1944
Je n’ai pas noté qu’en arrivant à Dachau on nous a confisqué tout, absolument tout ce que nous possédions. Il ne m’a resté un mouchoir pour toute fortune. Montre, porte-monnaie tout y a passé, nous sommes pauvres comme Job. Visite des poux tous les jours, promenade tout nu avec un haillon de chemise à la main à travers la baraque qui est une glacière. Changé de chemise. Reçu en échange un haillon crasseux. Je couchais avec René dans un lit de 80 Cm. On m’a changé, je couche avec un type qui tousse et crache toute la nuit. Naturellement, je ne dors plus. Nous mangeons la soupe le soir, très claire et me fait pisser. Il faut sortir dehors par un froid glacial et ceci 4 ou 5 fois chaque nuit.
08/12 Cette nuit je suis sorti pisser 9 fois. J’ai pris froid et n’arrive pas à me réchauffer. Il me faudrait une flanelle et on n’a rien sur le dos.
10/12 Ca ne va pas. J’ai toujours froid et la diarrhée.
11/12 Toujours froid, j’ai le cafard. J’ai peur d’y laisser ma peau.
12/12 Je recouche avec René. Il me remonte toujours mais la nuit je pleure.
13/12 Toujours promenade nu et douches dans un local glacé.
14/12 Toujours le cafard, je ne dors pas.
15/12 Je suis malade. J’irai passer la visite.
16/12 39°8 fièvre aux douches glacées sur le béton.
17/12 Entré au K.B. (…)
18/12 Ca va un peu mieux.
19/12 J’ai de la fièvre. Je ne dors pas.
20/12 Fièvre.
23/12 Je suis plus malade.
24/12 Je peux mieux respirer.
25/12 Triste Noël , Il fait froid.
26/12 Angine. Diphtérie déclarée.
01/1945
Janvier 1945 (premier feuillet)
DORGET - Diphtérie
Primo (LEVI) – Scarlatine
CONREAU – Scarlatine
CERTELET – Diphtérie
CAGNOLAT – Diphtérie
JACQUAIT – Typhus
LACMAQUER – Typhus - mort
SCHERTELET – Typhus
JETTATORE – Typhus - mort
DUCARME – Scarlatine
SCHERREK - Typhus
Je mangerai mais on a pas grand chose.
17/01 Reçu pain pour 3 jours. On attend du nouveau.
18/01 Evacuation du camp. Le canon tonne tout près.
19/01 Bombardement du camp. 2 baraques brulées.
20/01 Les obus éclatent tout autour du camp.
21/01 Monté le fourneau
22/01 Reçu 2 portions de pain pour 4 jours.
23/01 Monté la lampe électrique. Soupe au citrate de soude.
24/01 Corvée de pommes de terre et de choux pour notre soupe.
25/01 COGNOLATI - pneumonie – DORGET – Diphtérie – Dernière soupe SS.
26/01 Bombardement continu nuit et jour. Découverte des silos.
27/01 Arrivée des Russes, nous espérons. Quoi ? on verra.
28/01 Ration de pain et viande très petite des Russes.
29/01 Rien d’anormal. Pas de pain. Soupe de camp.
30/01 Pommes de terre en robe de chambre et soupe aux choux.
31/01 Corvée de pommes de terre et houille. On nous promet bien des choses, et il ne vient rien. Peut-être sommes nous ici pour longtemps.
Janvier 1945 (second feuillet)
1er Janvier au matin j’ai souhaité la bonne année à René, il m’a réconforté, j’étais déprimé et bien malade, Angine à son point culminant.
07/01 René a quitté le KB moi je reste, que deviendrais-je ?
17/01 Les camarades s’en vont devant le Russes à 9 H du soir. Je reste avec CONRAUD, nous ne pouvons pas marcher. Peut-être est-ce pour notre bien, on verra ce que la providence décidera.
27/01 Mort du Hongrois, j’ai couché dans son lit. Hérité 1 morceau de pain et un peu de margarine. Fait sauter des pommes de terre.
29/01 Régulièrement on attend une nourriture normale.
30/01 J’ai envoyé un mot à Louise par un officier Russe. Arrivera-t-il, je le voudrais pour elle. Toujours pas de soupe ni de pain. On nous promet bien des choses, mais rien.
31/12 Ca va mieux.
02/1945
Février 1945 (premier feuillet)
01/02 Soupe aux coudes ½ litre. On nous promet du pain. Reçu une ration de pain pour ce soir. On verra
02/02 Bouillon. Reçu 3 livres de viande, 1 pain – Soupe – Marmelade.
03/02 Bouillon de bœuf – sucre – lait – Evacuation de 3 typhus – Reste 7 hommes.
04/02 Potage, crème au chocolat – double ration de pain – ration de viande.
05/02 Rien d’anormal, nourriture suffisante. On attend toujours l’évacuation.
06/02 Nous sommes évacués du camp vers hôpital Auschwitz.
07/02 CONRAUD et moi infirmiers sous les ordres d’une française.
08/02 Reçu pain, (..) et margarine du Docteur. Rien d’anormal.
09/02 Transporté malades. Travail dans la chambre. Rien d’anormal.
10/02 Grand débarras de la chambre, rien d’anormal, il fait froid.
11/02 Porté à la morgue 2 femmes,
12/02 3 hommes. Il fait froid – Ecrit à Louise.
13/02 Ecrit à Annie et à Marie, touché du tabac très fort.
14/02 Rien d’anormal – nourriture abondante.
15/02 Les lettres sont parties. On parle d’une commission arrivée ici.
16/02 On scie les lits de la salle. Rien de la commission.
17/02 Rien d’anormal, bonne nourriture. Saucisse (..) Bien fatigué
18/02 Triste dimanche. On aménage nouveaux malades pulmonaires.
19/02 Travail habituel, on a touché du sucre, 1 part (organi..)
20/02 Rien de nouveau. J’ai écrit à Louise, touché du sucre.
21/02 Chambre du Docteur rangée, journée calme.
22/02 J’ai écrit à Annie. On a touché du tabac et du sucre.
23/02 Journée calme. J’ai mal à la jambe. Fait la lessive 1ère fois depuis 1 mois.
24/02 Anniversaire de l’Armée Rouge. L’ordinaire n’a pas été amélioré pour ça.
25/02 Triste dimanche, j’ai le cafard et fume comme un pompier. Ecrit à Louise 6ème lettre.
26/02 Fait la chambre du Docteur, Diarrhée un peu calmée, toujours le cafard.
27/01 Déjà un mois que nous sommes libérés et rien de nouveau. Journée normale.
28/02 Chambardement du personnel. Nouveau ‘Sericher’ et ‘Block Altester’.
29/02 Travail pénible toute la journée. Baderaum nettoyé en supplément.
Février 1945 (second feuillet)
On cause toujours d’évacuation des malades d’abord et de nous ensuite mais ça ne va pas vite.
01/02 Soupe, viande de cheval très sympa. Mangé très abondamment.
02/02 Le soleil a donné sur l’autel mauvais présage pour nous.
03/02 Nous attendons notre évacuation du camp. Charles a reçu du tabac et aujourd’hui nous fumons. LACOUR est à Auschwitz aux nouvelles pour notre évacuation.
06/2 Pas le temps de manger, arrives à l’hôpital très tard, mangé une petite soupe à 8 heures su soir. Ce matin soupe froide.
08/02 Travail habituel dans la chambre aux malades.
09/02 Nourriture abondante, nous avons changé de chambre.
10/02 Le personnel valide non occupé sera évacué sur ‘Crakau’ pour travailler.
11/02 On a la soupe à trois heures. Porté 2 femmes à la morgue.
12/02 Rien d’anormal, il fait froid. 2 hommes à la morgue.
13/02 Travail habituel de la chambre. Fernand est arrivé.
14/02 Rien d’anormal, bonne nourriture en prime.
15/02 On attend des récits de la commission interalliée.
16/02 Pas de nouvelle de la commission.
17/02 Bien fatigué ce soir, il fait froid.
18/02 On attend encore une commission – marmelade.
19/02 On dit que les lettres partent par avion. Il fait très froid.
20/02 Journée chargée. Chambre du Docteur. J’ai mal à la jambe.
21/02 Aujourd’hui ça va mieux, journée calme.
22/02 Reçu (spiritus) pour friction. Il me faudrait un peu de repos.
23/02 Normal. J’ai le cafard. Quand partirons nous ? Dieu seul le sait.
24/02 Journée calme, travail à la chambre du Docteur. Après-midi repos. J’ai mal à la jambe.
25/02 Travail toute la journée autour du block. Bien mangé mais cafard.
26/02 Rien de nouveau au sujet du rapatriement. Docteur m’a dit qu’il fallait attendre.
27/02 Renseignements désastreux au sujet des réfugiés à Cracovie. On est mieux ici.
28/02 Je continue à faire la chambre du Docteur. Rien d’anormal. *On dit que bientôt on évacuera le camp en vue du rapatriement, mais on y croit pas.
03/1945
Mars 1945 (premier feuillet)
J’avais espéré de ne plus écrire mon journal ce mois, malheureusement je recommence
01/03 Ce matin réveil en fanfare à 5 heures. Ca ne va pas mieux, est-ce que le régime Hitlérien recommencerait ? On parle de nous faire travailler de 5 heures à 10 heures. IL faut espérer que ça ne continuera pas. Je fais toujours la chambre du Docteur. J’espère que ça durera. Pas de nouvelles du rapatriement.
02/03 Très bonne nuit. Levé 1 fois. Diarrhée calmée.
03/03 Il fait froid. La neige tombe. On dit que nous allons être dirigés vers Katovice.
04/03 J’irai voir le Docteur CERF. IL ne m’a rien appris de nouveau.
05/03 Travail habituel + la chambre de Blockaltester que je fais maintenant.
06/03 J’ai écrit à Louise. Je suis maître des douches en plus de mon travail.
07/03 Toujours la diarrhée, à la diète à présent – Couché cafard.
08/03 Fête des femmes mais l’ordinaire ne change pas, travail non plus.
09/03 Resté au lit cause diarrhée. Suis très faible, ne mange plus.
10/03 Ca va mieux. J’ai mangé et moins allé à la selle.
11/03 Il part un transport pour Katovice, bientôt notre tour.
12/03 Ecrit ma 12ème lettre à Louise. Resté couché à la diète, Diarrhée.
13/03 Ca va mieux. Pris une douche et bien mangé, pas de nouvelles sur transport.
14/03 Travail habituel. Pas de transport. Beau temps.
15/03 Rien de nouveau. On a fait une petite promenade 1 heure dans le camp avec Charles.
17/03 Promenade à Auschwitz avec Charles. Sommes entrés dans l’église, retour fatigué.
18/03 Déménagé au block 19. Chambre malpropre, il y a des puces.
19/03 Rien d’anormal. Notre chambre n’est pas chaude et pas propre.
20/03 Nous ne sommes plus seuls, il y a des métèques avec nous.
21/03 Aujourd’hui le printemps et nous sommes toujours ici. Diarrhée.
22/03 Resté couché à la diète jusque 5 heures soir après en visite chez Jean. André à fait des crêpes très bonnes et un café sans goutte.
24/03 rien d’anormal, il fait beau, nous avons été promené au Canada.
25/03 aujourd’hui les Rameaux, nous avons été à Auschwitz, reçu la bénédiction du Sr Sacrement. Très heureux d’avoir été à l’église. Projetons d’aller à la messe le jour de Pâques, on verra si on a le temps. On parle toujours de partir bientôt.
29/03 Ecrit à Louise 12eme lettre. Carte de la + rouge pas partie. Aujourd’hui cherchez pissenlits pour souper avec purée et morceau de porc. La vie serait assez agréable si ce n’était l’exil. Ma diarrhée paraît être passée si ça continuait, je reprendrais des forces. Nous projetons d’aller à la messe Dimanche Pâques si nous pouvons avoir la permission.
Mars 1945 (second feuillet)
02/02 Docteur Cerf m’assure que le rapatriement est commencé. Un convoi de Français serait déjà parti pour Odessa.
03/03 Travail normal. Bêché le parterre avec CONRAUD. Il faisait froid.
03/03 Il fait très froid. Mal à la jambe et cafard.
04/03 Toujours la diarrhée. Je prenais des cachets, ça ne me fait rien.
05/03 Charles m’apprend que DORGET est à l’agonie. Ca me donne la cafard.
06/03 DORGET mort. Charles l’a porté à la morgue avec Jean.
07/03 J’ai attrapé la rhume, coupé les cheveux derrière.
08/03 J’ai toujours la diarrhée et le cafard. Ecrit à Louise.
09/03 J’ai un peu mangé. Reçu une part de gâteau d’Andrée.
10/03 Ca va un peu mieux. Il fait froid. La neige tombe à gros flocons. Les rues sont un lac, beaucoup de travail.
12/03 N’ai rien mangé de la journée à part 1 verre thé et charbon.
13/03 pris une purge n’a pas marché bien mangé purée pâtes.
14/03 Mauvaises nouvelles de Katovice. Pris une purge.
15/03 Toujours la diarrhée.
16/03 Je ne me suis pas levé de la nuit. Pris (opium).
17/03 On parle encore de transports dans deux jours. Journée calme levé à 5 heures.
18/03 Mangé au réfectoire par suite de changement. J’ai le cafard.
19/03 On continue à manger au réfectoire. Nourriture abondante mais toujours la même soupe et purée. Le pain blanc devient plus rare, mais encore en suffisance. J’ai toujours la diarrhée. (GREINA) m’a donné un médicament qui doit être efficace. Il ne m’a rien fait ma diarrhée continue. Je ne dors pas et j’ai le cafard. Passé la radio, il ne manque rien. Visite par le Professeur ERBSTEIN pas malade seulement l’intestin fatigué et irrité. Je suis à la diète et couché en attendant les médicaments du docteur FLECHENOR qui ne viennent pas. Heureusement ça va un peu mieux.
29/03 Plus de pain blanc et peu de noir. Nous apprenons ce soir de bonnes nouvelles du front Ouest. Si cela pouvait avancer la fin de la guerre on aurait des chances de rentrer chez nous. Encore un mois de passé. Avril nous annoncera peut être du nouveau. Si seulement on pouvait rentrer chez nous. Pas de nouvelles de chez nous, ça donne le cafard. Carte de + rouge partie
04/1945
Avril 1945 (premier feuillet)
01/04 Pâques. en ce jour j’ai le cafard. Il ferait si bon chez nous. Je n’ai pu aller à la messe. J’ai été aux vêpres et Bénédiction aux 2 paroisses. Charles est malade n’a pu m’accompagner autrement ça va bien.
02/04 Aujourd’hui après-midi j’ai été au (font) Bull à Auschwitz seul. Les nouvelles sont bonnes. Les alliés avancent partout. Bonne soupe. Je mange bien. Nous recevons du café au lait. Il me semble que je prends de la graisse. On annonce qu’on se (..) dans Vienne les allemands reculent partout.
07/04 Pris une douche. Promenade après-midi. On mange de plus en plus de viande.
08/04 Promenade à Auschwitz. Assisté aux vêpres. Vu une noce polonaise. Nous restons toujours ici pour le moment. On ramène des malades à notre bloc. J’ai arrangé un veston. Détaché le rouge et stoppé l’armoire. Demain je m’occuperai d’un pantalon. Rien de nouveau.
12/04 Ce soir salade de radis. DUNCAN nous a apporté ça ira avec notre purée. Le menu ne change guère, patates le matin et le soir. L’ordinaire ne s’améliore pas. Quand les réserves Boches seront épuisées, je ne vois pas ce qu’ils vont nous donner à bouffer. Le personnel Russe est changé ainsi que les cuisines, ont doit avoir une meilleure nourriture mais on n’a pas encore vu de changement. A part une cuillère à café de sucre que l’on doit percevoir par jour. Le docteur STENBERG dit qu’il va s’occuper des Français en vue du rapatriement. IL y en aurait déjà de partis pour Athènes. Notre tour d’après lui viendrait dans 15 jours. Doit-on lui faire confiance, ici il ne faut croire personne.
22/04 Cet après midi confection d’une étoile en verdure pour devant le bloc, le soir réception au réfectoire. Anniversaire de Flore et de Ginette. Fête de Georges (BLOCOBY).
24/04 Le transport pour Athènes n’est qu’un four. Demain on part pour où ? On verra.
25/04 Départ en transport pour Bielitz à environ 60 Km d’Auschwitz. Arrivé ce soir. Soupé à 9 heures, très bonne soupe mais trop peu. Demain on verra comment ça va.
26/04 Ce matin à 5 H russe toilette, visite des poux au lever par une russe. Petit-déjeuner à 6 heures, soupe très bonne. A midi soupe légumes et viande. Notre chambre est très coquette. Sommes très bien, mangeons au réfectoire. Promenade dans les sapins. La vie serait belle si ce n’était la séparation. Si seulement j’étais rassuré sur votre sort. Nous sommes sans nouvelles des opérations. La D.C.A donne tous les soirs. Quand partirons-nous. Ici nous ne pouvons plus écrire à la maison.
Ce soir 27/04 à 8 H soir contre-appel, on ne sait de quoi il s’agit. Après bien des explications le sergent passe pour demander ce qu’il nous manque. Rompez les rangs. En même temps le capitaine nous annonce, demain matin réveil à 5 heures, tout le monde part pour Odessa. Quelle joie.
28/04 On se prépare tous, les bagages sont prêts. On traîne toute la journée et en fin de compte nous couchons encore ici aujourd’hui. Sous ce rapport on n’est pas fâché car vraiment nous sommes bien installés et la vie serait vraiment belle ici, bonne nourriture. Propreté partout, air sain, promenade à volonté dans les sapins, ce qui me rappelle nos montagnes et me donne le cafard. D’ici nous apercevons la chaîne des Carpates toute proche et toute blanc de neige, comme le Donon. Ou irons nous échouer ?
29/04 Il pleut à torrent. Si nous partons nous aurons du mauvais temps. A 10 heures douches reçu ravitaillement pour 8 jours. Toute la journée sur le point de partir et nous couchons encore ici. Ce sera peut-être pour demain.
30/04 5 heures réveil. A 7 H nous partons a pied pour Briska à 7 kilomètres de Bielitz. Nous restons à nous ennuyer à la gare jusque 4 H après-midi. Arrive le major qui nous donne l’ordre de retourner coucher à Briska . le convoi est pour une autre jour. Nous arrivons à 8 heures, bien fatigués ? J’ai bien mal à la jambe. Demain 1er Mai, s’il n’y a pas d’autres ordres, je me reposerai. Nous avons avec nous un carcassonnais nommé BARON qui nous distrait, c’est heureux, ça me coupe mon cafard.
Avril 1945 (second feuillet)
Il est parti 6 Français de notre bloc dont le Docteur lequel nous avait promis de ne pas nous laisser. Ne comptons sur personne. Ils doivent partir en transport pour Odessa, nous restons en carafe. Ma diarrhée est calmée, tant lieux si ça dure. Je vais écrire encore chez nous, mais je crois que les lettres n’arrivent pas, toujours pas de nouvelles. Si c’était seulement fini qu’on puisse traverser la Bochie pour rentrer. On est bien tranquille pour le moment au bloc, pas bourré de travail. Nous allons nous promener après-midi et on rapporte du pissenlit pour le soir.
09/04 On organise un convoi de Hongrois. A quand notre tour.
10/04 Aujourd’hui faux bruit, on annonce la capitulation de la Bochie. Naturellement fausse joie. On espérait bientôt repartir et c’est partie remise. Aujourd’hui on parle encore de démanteler le camp. On verra, mais, il vaudrait mieux pour nous rester encore ici jusqu’aux beaux jours, puisqu’on ne peut repartir. La sœur Russe est changée, elle est vraiment gentille puisse-t-elle rester elle ne nous ennuie pas. Avec Charles nous avons bêché le devant de la maison, c’est toujours notre tour. Depuis une semaine, je suis tranquille avec ma diarrhée. Il me semble que je reprends du poids. Si ça continue, je mange bien et dors bien aussi . Nous allons nous promener souvent après-midi, si je n’étais tracassé au sujet de chez nous, je ne m’en plaindrais pas. Quand rentrerons-nous. On dit toujours que le boches sont fichus et nous voyons tous les jours de avions. Sont-ils toujours forts. En ce moment je me porte bien, je n’ai plus la diarrhée et je mange beaucoup, mais j’ai souvent le cafard.
25/04 Arrivée à Bielitz à midi, désinfection à 4 heures après contrôle des bagages, naturellement on ne nous laisse que le strict nécessaire, le reste va au magasin, le reverrons-nous ? Cependant j’y avais bien des choses utiles. A 8 heures distribution du logement et d’une couverture. Notre chambre est très bien, mais elle est en ville. Le lendemain au travail pour la nettoyer, elle sera tout à fait bien. Ce soir gros tir de défense contre avion, les boches tournent toujours dans le ciel, nous sommes tout près du front.
05/1945
Mai 1945 (premier feuillet)
Est-ce notre dernier mois de captivité ?
01/05 Les Russes préparent la fête pour ce soir. Je me repose, l’ordinaire n’est pas amélioré, on mange comme d’habitude, le supplément n’est pas pour nous. A 9 heures ce soir concert.
02/05 On doit se lever à 5 heures pour partir ce matin à 7 H. Nous arrivons en gare avec 7 kilomètres dans les jambes. Nous attendons dans le wagon jusqu'à quelle heures. On ne sait rien. On reçoit des vivres pour 12 jours. Nous démarrons 5H1/2 de Bielitz, roulé la nuit avec arrêts alternatifs. Arrives à Nodoysäcz à 4 heures, couché en gare dans les wagons. 17 français sont venus nous rejoindre et nous attendons le départ. En attendant nous faisons la soupe chez les civils. Nous traversons des montagnes de sapins qui me rappellent notre pays et me donnent la nostalgie. On a pas chaud pour dormir dans nos wagons à bestiaux. Changé de wagon, nous sommes 26 dedans avec les bagages. On couche les uns sur les autres. Mangé 1/2 œuf et une tartine de beurre de Jeannot. Depuis chez nous je n’en avais pas mangé.
Pierre a acheté 6 œufs, ai reçu 1/2 trouvé très bons. Nous roulons lentement.
05/05 Ce matin traversé la frontière Russo-Polonaise à ‘Ustjana’ resté pour coucher.
06/05 Toute la journée à ne rien faire dans le wagon. Départ à 9 heures du soir roulé toute la nuit. Arrivé à Lemberg à 6 h matin, toute la journée à s’ennuyer. A 6 heures du soir en route, on roule toute la nuit, arrivé à Tarnopol à 6 heures matin – arrêt. A Tarnopol descendu faire les (besoins) failli manquer le train.
08/05 Nous repartons à 7 h et roulons toute la journée. A 5 h arrivons à ‘Straroconstatinour’ où avec dépit nous apprenons que nous restons ici pour combien de temps ?. Adieu Odessa. Nous couchons dans une grand caserne sur des planches et il fait froid. Nous regrettons la vie de Bischra. Nous sommes 4 mille français ici.
Ce matin 9, nous apprenons l’armistice par le major Russe, les français défilent au pas cadencé avec musique.
10/05 J’ai fait la lessive, le soir cinéma en plein air.
11/05 Cette nuit on m’a volé mes chaussures. A midi j’ai mangé une bonne soupe que je suis allé chercher à une autre cuisine et un peu d’omelette du camarade BARON. Je crois que nous sommes pour longtemps ici.
12/05 Ce matin pour la 1ère fois il fait beau, j’ai mangé 2 œufs et une tartine de pain blanc. J’ai vendu 1 drap pour acheter des œufs et du pain.
13/05 Dimanche. Lever bonne heure, toilette, filé de suite au marché marocain, vendu divers articles, acheté des œufs et du beurre. Ce soir réunions des Vosgiens. A huit heures théâtre par des français, pas mal.
15/05 Douches – Reçu 1 chemise 1 caleçon pour se changer. Après-midi football.
16/05 Piquet d’incendie toute la journée de garde. Paul a été chercher de la goutte pour le 1ère fois depuis notre départ. On va en faire une bonne goutte avec des copains. LABOURELLE.
17/05 Il fait beau, avons été à la rivière baigné et faire la lessive. Vendu 1 veston. Nous faisons des œufs tous les jours et buvons du lait.
18/05 L’eau se fait de plus en plus rare. On a du mal à se laver. Toujours pas de nouvelles du rapatriement. J’ai acheté un béret pour du tabac. Je suis de corvée pour le ravitaillement. Nous avons changé de chambre pour le 3ème fois depuis que nous sommes ici.
19/05 Rien de nouveau. Nous vivons une existence d’imbéciles on s’ennuie. Toujours pas d’eau. Prions Dieu qu’il n’y ait pas d’épidémies. On ne peut rester dehors. Il fait un vent de poussières.
20/05 Ce matin lever à 5 h pour partir se débarbouiller, chercher le lait au marché. A 1O H assisté à la messe chantée par les soldats et célébrée par un aumônier, très (…), beaucoup de difficulté pour prier. Cet après-midi enterrement d’un soldat.
21/05 Lundi de Pentecôte. Triste, rien d’anormal. Nous vivons une existence d’imbéciles. Il fait un vent très fort, on ne peut pas sortir.
22/05 Rien d’anormal
23/05 J’ai fait la lessive, bonne promenade avec des vosgiens.
24/05 Rien d’anormal. Toujours la même vie triste et inutile.
25/05 Charles a trouvé 1 pou sur sa paillasse, nous en serons empoisonnés bientôt.
26/05 Anniversaire de Louise, on a justement reçu l’autorisation d’écrire. Je vais le faire, recevra-t-elle mes souhaits.
27/05 Dimanche. Triste Trinité. Il fait très froid. A la messe à 10 heures. Ecrit à Annie. Nous restons en chambrée. On espère partir bientôt.
28/05 Il fait beau aujourd’hui. On ira se promener.
29/05 Toujours la même chose. Les jours s’écoulent et nous restons toujours ici. Les bruits circulent à travers le camp concernant le rapatriement, mais il n’y a rien de vrai. Nous sommes maintenant considérés comme militaires, nous devons être habillés.
30/05 Occupations habituelles. Promenade, on s’ennuie, nous faisons des œufs le soir.
31/05 Encore un mois de passé, est-ce le dernier ? Je l’espère. Ce matin je vais aller à la visite. Si seulement j’avais des nouvelles de chez nous. J’ai le cafard.
06/1945
Juin 1945
01/06 Comment finirons-nous ce mois ? Ce matin comme un vaillant, j’ai pris mon 1er pou, c’était une petite bourrique. Ce matin au marché en ville acheté des œufs de canne 2 roubles et des radis, sucre. Ce soir concert par les Russes malgré un gros orage.
02/06 Le matin corvée de pluches. Le soir concert par les Russes, très bien.
03/06 à 9 heures grand-messe, à midi nous avons fait une poule (35 roubles) avec des haricots, lesquels sont devenus durs comme des pierres. Invité ARNOLI et FERRY pour le café, la goutte était du pétrole. Après-midi football, le soir rugby. Il fait très beau. La procession a du être belle comme chez nous. Ça me donne le cafard.
04/06 J’ai fait la lessive. Promenade après-midi.
05/06 Nous avons changé de logement, nous sommes reconnus comme militaires et maintenant nous sommes avec les prisonniers de guerre. Reçu un calot et une veste, le reste viendra après, nous dit-on.
06/06 Ce matin corvée de pluches. On annonce un départ pour Odessa, c’est peut-être encore un bobard. Il serait temps de partir, on a le cafard et nous manquons totalement d’hygiène.
07/06 Rien d’anormal, il fait très chaud. Lessive.
08/06 On parle toujours de partir. Il fait une chaleur accablante, les blés croissent à vue d’œil. Sieste toute l’après-midi. Soir promenade. J’ai été de (soupe) toute la journée.
09/06 Ce matin, bu un bon café au lait de LABOURELLE. Nous sommes consignés toute la journée. On doit signer les cartes individuelles en vue d’un prochain transport. Probablement encore un bobard.
10/06 Le matin à la messe. Très beau sermon. Après-midi match surprise, ensuite course de 5000 m, très intéressant. 11/06 Lessive. Il fait très chaud. On va se faire inscrire au bureau en vue du départ. Serait-ce vrai ? Soir cinéma – Nul – comme tout ce que ces gens font. Ils n’ont aucune organisation.
12/06 IL fait très chaud, on s’ennuie. La nourriture est abondante mais mauvaise.
13/06 Toujours des bruits de départ non fondés. Combien de temps resterons nous encore ici ? J’ai le cafard. Si j’avais seulement des nouvelles de chez nous. Ce soir grand bal. Les femmes du pays y sont venues, elles ont grand succès, mais quelle cohue.
14/6 Ce matin la cour est une nappe de boue, il a plu toute la nuit. Il fait aussi froid qu’en décembre. Toute la journée en chambre, quel cafard. J’ai fait la connaissance de Paul DAVID de St-Dié, je cois que ce sera un bon copain.
15/06 Le froid continue augmenté d’un vent violent, on sort avec le manteau. C’est vraiment un pays de chien, la nourriture est mauvaise, en ce moment, ils nous donnent deux fois par jour du seigle décortiqué, un vrai manger de cochon de chez nous.
17/06 Rien d’anormal. Il fait toujours froid. Théâtre, pas beau, on n’a pas attendu la fin.
18/06 On m’a dévalisé, mes bagages, pas mal d’objets auxquels je tenais beaucoup, surtout mon savon, je n’ai plus rien pour me débarbouiller.
19/06 Avec cette saloperie de seigle, j’ai choppé une diarrhée formidable. On arrivera d’y laisser sa peau dans ce pays de chien. J’ai le cafard. Ce soir il y aura un petit concert dans la chambre de Robert. On ira pour se distraire un peu.
20/06 Paul DAVID a payé une tournée de goutte. Le soir au théâtre, pas mal.
21/06 Le temps s’est amélioré, il ne fait plus si froid. Toujours la diarrhée et nous ne partons pas. J’ai le cafard. Visite pour la gale.
22/06 Rien d’anormal. Ennui habituel.
23/06 Il fait toujours froid avec grand vent. Ce soir cinéma en plein aire. Nous apprenons que le camp sera bientôt évacué, sera-ce encore un bobard, je m’ennuie.
24/06 Ce matin à la messe, on est venu me chercher pour aller en corvée. On est même plus tranquille le dimanche. Il fait un vent froid comme en hiver. Il va pleuvoir, c’est réjouissant.
25/06 J’étais désigné pour aller prendre la garde en ville de nuit. Je n’ai pas de manteau, il fait très froid, j’ai refusé j’attends les sanctions. Je fais une petite lessive. Ce soir au cabaret Berrichon, il paraît que c’est très bien. Au rapport, on annonce que le camp doit se tenir prêt à partir du 30. Est-ce pour aller chez nous ?
26/06 Je pense beaucoup à vous.
27/06 Ce matin à 3 H Branle-le-bas, le 1er détachement part, 1600 hommes. Cet après-midi nous sommes prêts à partir, ce soir ou demain matin. Est-ce pour rentrer chez nous. Dieu le veuille. Nous avons touché des effets russes et des chaussures.
A 1 heure du matin réveil et départ à la gare à 2 Km du pays. Attente sur le quai, il fait froid. 6h ½ en route, Est-ce pour la France ?
28/06 Ce matin au réveil, nous nous réveillons à (Lemberg). Je crois que cette fois nous sommes sur la route de France, encore quelques jours et nous serons loin de tous ces maudits pays. On nous annonce que nous allons à Berlin. Me rappelle la façon dont j’ai du faire mes besoins cette nuit.
29/06 Passé à Karcovice à 8 heures matin, arrivé à Katovice à 3 H après-midi, nous devons donc fait peu près 70 Km aujourd’hui. A cette cadence, il nous faudra 1 mois pour rentrer.
30/06 Entré en Allemagne ce matin, je crois que nous nous dirigeons sur Breslau avec arrêt toutes les 10 minutes.
Juin 1945 (feuillet annexe)
27/06 Arrivé à Proscouroff à 8h1/2, reparti à 11 (changé de ligne) en direction de Tarnopol. Arrivé à 5 h, reparti à 7h en direction de Lemberg. Arrivé à minuit a cette gare et reparti à 6 Heures le matin. A 7h1/2 traversé l’ancienne frontière Polono-russe, à 9 Heures arrivée à Chémenitz (Chemnitz). Resté toute la journée arrêté. On a reçu une soupe à 4 heures. 5 heures ½ nous démarrons, irons nous loin ?, ça ne roule pas vite.
28/06 Nous roulons au ralenti et arrêts très fréquents pour laisser passer les trains de matériel allant vers la Russie. A 8 heures nous arrivons à Kracovie et en repartons à 11 heures en direction de Katovice. Arrivé à Katovice à 3 heures après-midi.
En ce moment où j’écris, il est 8 heures du soir et nous sommes toujours là. Nous apprenons que nous allons à 60 Km à l’ouest de Berlin. Là les américains nous prendrons en camion pour rentrer en France. Ca ira peut-être plus vite qu’ici, car on trouve vraiment le temps long.
30/06 Nous avons franchi la frontière Polono-Deutch ce matin à 6 heures. Arrivée à Oppeln à 10 h du matin. A 10 h du soir nous sommes encore là. Nous avons roulé 60 Km. Arriverons nous jamais a cette allure.
01/07 Nous sommes toujours ici à 10 h du matin après y avoir passé la nuit, plus nous avançons, plus il y a d’encombrements, les voies sont obstruées de convois.
07/1945
Juillet 1945
01/07 D’ici à Oppeln où nous sommes en arrêt depuis 24 heures, j’entends pour la 1ère fois depuis mon départ sonner les cloches, c’est Dimanche. Ca me donne la cafard. J’avais toujours espéré être rentré pour les foins, mes femmes vont se tuer à rentrer le foin pendant que je suis ici à ne rien faire.
02/07 Nous sommes toujours ici sur une voie de garage, arrêtés en attendant notre tour de partir sur Breslau où tout est engorgé. Nous avons fait cuire quelques pommes de terre et fait du café, c’était bon. A 2 heures nous démarrons, à 3 heures passé l’Oder à Grossbruck, à 4 heures nous sommes à Breslau et attendons le transbordement sur wagons découverts. On ne sera pas à la noce, il pleut. A 6 heures changement de wagon, nous tombons sur un découvert et il arrive un orage formidable, on ne pourra se coucher tellement c’est mouillé.
Resté toute la nuit ici, il fait froid. En route à 6 heures du matin, nous traversons Breslau complètement démoli, arrêt chaque demi-heure à tord et à travers. A 3 heures après-midi nous stoppons à Lignitz en gare. C’est un immense champ de merde et de grosses mouches, c’est une infection, vivement que l’on reparte.
04/07 Arrivée à Sagan à 7 heures du soir, repartis à 9 heures, peu roulé la nuit. Arrivée à Cotluz à 8 heures le matin. le 4 passé à Berlin à 5 heures après-midi, là nous avons vu les 1er américains, au camp d’aviation de Tempelhof. Nous repartons en direction de Belzig où nous devons arrêter, il est 9 heures du soir. Nous sommes arrêtés en pleine brousse, y resterons nous longtemps ? Je crois que nous coucherons ici. A 2 km en aval d’ici il y eu un bombardement d’une voie de garage, il y a des milliers de wagons brûlés et une forêt complètement soufflée sur 1 Km. De long C’est inimaginable.
05/07 Nous roulons de nuit et arrivons à (Magdebourg) à 7 heures du matin et restons sur place jusque 3 h, ensuite nous descendons du train et sommes dirigés vers des casernes où nous sommes logés les uns sur les autres. Nous attendrons ici qu’on nous dirige sur la France. J’ai le cafard, j’avais espéré rentrer à la fin de cette semaine.
07/07 Nous passons la journée à nous ennuyer. Nous sommes retombés dans la merde, dans ce camp, il n’y a rien d’organisé, saleté partout et rien de précis au sujet du départ. Les américains qui étaient ici il y a 8 jours sont reculés à 80 Km et nous sommes toujours aux mains de ces popofs. Nous sommes maintenant 20.000 dans ce camp et il en arrive à tout instant.
08/07 Aujourd’hui Dimanche, encore une journée à s’ennuyer. Hier au soir, j’ai trouvé parmi cette foule de 20.000 hommes, Jean PIERRON, ça été vraiment un plaisir pour moi. Il me semblait retrouver quelque chose de chez nous, lui aussi était heureux, mais ne pensait jamais me trouver ici.
09/07 Les jours s’écoulent lentement, mais nous vivons une existence bête, si ça continue, nous deviendrons fous, toujours des bobards et pas de départ. Le camp n’est qu’une mare de merde, on crèvera ici.
10/07 Rien d’anormal, j’ai mangé une soupe avec Jean.
11/07 Il n’est plus question de partir, nous vivons dans la merde.
12/07 Il pleut, nous ne pouvons sortir et restons accroupis dans notre réduit infect.
13/07 Beaucoup de prisonniers s’évadent par leurs propres moyens. Un vosgien du camp voisin vient nous apprendre qu’il en est parti 1500 de leur camp, ça continuera peut-être. Nous avons pu avoir quelques pommes de terre, on va les cuire, ça nous changera de leur saloperie.
14/07 Triste 14 juillet, nous ne pouvons seulement pas manger tellement la soupe est mauvaise, ni boire, l’eau n’est pas potable. Tout le monde à la dysenterie, je vais au cabinet 20 fois par jour.
15/07 Le camp devient de plus en plus malpropre, c’est un vaste camp de merde. Rien d’anormal. Il en part quelques uns mais ce n’est pas nous.
16/07 Toujours la même vie bête.
17/07 On annonce qu’un détachement part aujourd’hui. Je vous ai écrit une lettre, vous arrivera-t-elle ?
18/07 Il en part tous les jours, mais ce n’est pas nous. Nous sommes encore 15.000. Nous avons fait quelques carottes nouvelles.
19/07 Jean PIERRON partira avant moi, j’aurais aimé faire la route avec lui. Je fais la lessive pour passer le temps.
20/07 Il est arrivé 6.000 nouveaux aujourd’hui. Il en est parti quelques centaines, mais ce n’est pas encore notre tour. Nous nous promenons avec Jean à longueur de journée à causer de chez nous. Si vous aviez seulement les nouvelles que je vous ai envoyées, vous seriez rassurées sur notre sort.
21/07 Jean vient me trouver pour partir avec son groupe. Quitte la caserne à 3 heures, en route pour la gare à 4 heures, 6 Km à faire à pied. Nous franchissons l’Elbe à 5 heures et embarquons à 10 heures. Arrivons à (Barnely) à minuit. A 40 km de Magdebourg. De la gare, nous marchons à pied dans la nuit pour aller camper à 3 Km dans les prés où nous allons coucher à la belle étoile ?
22/07 Ce matin réveil à 7 heures. A 8 heures 400 d’entre nous sont partis en camion. A 10 heures arrivée de camions français et anglais. A 11 heures nous franchissons la ligne de démarcation et entrons dans le camp d’Evendorf où il y a des anglais. On dit que demain matin nous partons cette fois ci pour la France. Nous espérons bientôt rentrer.
Juillet 1945 (feuillet annexe)
22/07 Reçu une bonne soupe de carottes, pâte de fruits et 5 gauloises, c’est la fête.
23/07 Réveil à 5 heures du matin, en route pour la gare à 6 heures. On embarque à 7 heures – 8 heures démarrage. Schöningen – Hanovre à 5 heures après-midi – destruction totale. 7 heures (…) passe la Weser – le pont saute.
23/07 Entré en Rhénanie à 7 heures matin Traversé le Rhin à Emmerich à 11 heures. A Klève (Kleef) à 12 heures changé de machine pour entrer en Hollande.
Entrée au camp de Kavelaer à 12 heures ½, mangé la soupe et reparti à 8 heures pour la Belgique en passant par la Hollande.
Traversé la frontière à 11 heures, à minuit reçu café, cigarette + rouge hollandaise.
Arrivée à Bruxelles à 9 heures Accueil chaleureux de la croix rouge. Repartis à 10 heures en direction de Valenciennes, passé à Mons à 10 h ½.
11 heures passé la frontière Française à Blan Misseron. Bu ¼ de pinard.