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Carnet de campagne

Guerre 1914

Notes de Campagne de MARTIN (Maurice) sous-Lieutenant au 155eme Régiment d'infanterie.

 

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Originaire de Vaucouleurs (55) où il est né le 01/01/1894, il décèdera le 30/06/1915, tué à l’ennemi au bois de la Gruerie (51) – Il était alors Sous-lieutenant.

Ces notes sont partielles, seuls deux carnets sont transcrits

30 Juillet

11h1/2 du soir, mobilisation.

31 Juillet

Départ pour la Woëvre à 3 heures du matin. Grande halte à Bernecourt, cantonnement à midi à Noviant-aux-Prés

1er Août

Samedi, la mobilisation générale affichée. Nombreuses cartes; enthousiasme général.

2 Août

5 h du matin départ pour travaux de campagne; après midi même chose ; On est mouillé.

Le soir à 8 heures arrivée de 600 réservistes

3 Août

Autre position, nouvelles tranchées; lieutenant Dupuis arrivé. Vie chère. Plus de vin; Plus rien.

Jaurès assassiné.

4 Août

Rien de nouveau.

5 Août

Guerre déclarée officiellement. Réunion par le capitaine.

6 Août

Tranchées vers Pont à Mousson; les allemands battus en Belgique. Concert + Houzet et Cie.

7 Août

Tranchées, aéro en vue, les Allemands ont passé la frontière; un moment nous croyons combattre, mais nous rentrons.

8 Août

Corvée de lavage à (…) On trouve vin, sardines, etc. Grand combat à Liège.

9 Août

(…) terrible au moins 6 kilomètres de tirailleurs sous un soleil de plomb.

10 Août

Marche d'approche, renforcement du 2eme bataillon sur Noviant;

Présentation du drapeau par le Colonel.

11 Août

Matinée des avions; ils passent sur nous; mitrailleurs tirent sur un aéro boche; on le dit tombé mais c'est faux. Canon

12 Août

Vers 5 heures départ de Noviant sur Seicheprey. Bonne réception (jambon 1 livre 1/2 pour 10 sous) œufs. On attend pour partir.

Un aéro est bombardé par les forts de Toul qui le descendent.

13 Août

Attendons pour partir.

14 Août

Départ momentané à 3 h 1/2 pour (…); Marche de 30 kilomètres les hommes tombent vannés. En arrivant à la ferme du Hauts Journaux, je suis envoyé en petit poste à mi-bois avec la 15eme escouade. Bonnes dispositions. On entend vers l'Est, vers Pont à Mousson, le canon. Les mitrailleuses et fusils. Je dois passer la nuit à attendre les boches (bonne chance). 4h du soir 7h - deux aéros français passent au dessus des troupes allemandes. Ceux-ci tirent 66 coups de canon contre eux sans les atteindre. La mitrailleuse). On voit les obus éclater en l'air. 8 h - la soupe arrive; des pois qui sentent le brûlé. Je change de place mon poste et mes sentinelles; la nuit arrive, cette fois on n'entend plus rien. On est gelé, la lune se lève. Je fais 2 ou 3 rondes jusqu'à la forêt sans rien voir; il passe beaucoup de canards. A 3 h des postes à ma droite sont sans doute attaqués, car on entend la fusillade. A 4 h on apporte le jus, il en manque, on rouspète. Je dois être relevé, je ne sais pas encore a quelle heure, et si c'est aujourd'hui que l'on va se battre

15 Août

Samedi ; C’est fête : a 6h une importante fusillade à ma droite, puis plus rien : on attend, c’est très près, on entend les commandements « cessez le feu ; cette fois je crois que ça y est ; nous nous préparons ; Nous sommes relevés par la 2eme Cie St Souai, nous repartons sur « Vouel », repos jusqu’à 3 heures.

On apprend que les Prussiens ont bombardé « Chambley ». Les habitants évacuent.

Repas de midi : Vin ordinaire bouché. Sauterne fin 3 f. la bouteille, jambon frit, soupe - rata

16 Août

Dimanche : A 4 heures ; on reste a (..), corvée de lavage et repos toute la journée. Visite de personnes de …. Une amie ne trouve pas son frère ; il pleut très fort

17 Août

Lundi : Départ 5 h. pour les avant-postes ; il pleut toute la journée ; nous sommes à 9 km de Mars-la-Tour à Labeuville.

Les Allemands ont bombardé Mars-la-Tour. Nous construisons des tranchées sous la grande pluie.

Ah ! C’est bath !

Fusillade toute la journée. Mines sautent vers Conflans. On construit abris, on se couche sous les abris ; la 5eme section rouspète, elle n’a pas de place ; un cochon nous fout les abris en l’air, on gèle. Une sentinelle de la 10eme tire ; nous sommes relevés à 6h. Il va faire beau.

18 Août

Mardi : Nous allons à Harville. Nous sommes mal logés. Je vois Colin qui me donne une carabine, je la démonte avec bien du mal, je la cache ; le lendemain matin je la remonte et la donne au lieutenant Dupuis qui donne 5 f. pour Colin.

19 Août

Mercredi : Rien de nouveau.

20 Août

Jeudi : Nous restons sur place. Je vois Léon Derminger.

21 Août

Vendredi : Départ de Moulotte à 7h. Grand halte à 12h. ; Départ à 14h. pour Bouligny ; arrivée à 9h1/2 ; on touche ordinaire ; achats de conserves. On n peut pas manger.

22 Août

Samedi : Départ de Bouligny à 3h. nous dirigeant vers la Woèvre. Arrivés à Joppécourt vers 10h.

Emplacements de combat ; la lutte s’engage. Retraite vers 7h sur Joppécourt sous pluie d’obus. Débandade. Nombreux blessés ; On se rassemble a Xivry-Circourt. On trouve de tous les régiments, quand nous sommes attaqués à coups de fusil. On sort du pays baïonnette au canon avec blessés. On se dirige sur Spincourt. Arrivons à 11h. couchons où on peut.

Lendemain départ pour Etain, montons en voitures. On fait la pause dans un pré à 12 km d’étain.

Retour le soir même sur Azonnes.

Le lendemain on se retrouve tous à Billy où on prend position ; le même soir on couche à Pillon.

24 Août

Lundi : Prend position à Pillon. Bat en retraite sous les côtes ; Combat d’artillerie ; on bivouaque.

25 Août

Mardi : Derrières les côtes, à Romagne, près de la ferme de Montaudé, on attend. L’adjudant établi en petit poste tue un uhlan ; ses renseignements, il est du 52eme. ; le soir, on couche à Marc. Arrivé au cantonnement à 11h très fatigué. Là on reçoit le complément, contents on retrouve copains.

26 Août

Lendemain Départ pour Malancourt. On y est bien ; on trouve vin, confitures ; on, couche bien. Je passe à la 1ère demi section, cela va mieux.

27 Août

On va à l’exercice, mais on part à 10 h. ; on est en position d’attente ; on rentre le même soir sans rien voir.

28 Août

On part, nous allons soutenir l’artillerie au dessus de … Les grosses pièces allemandes tirent et nous entourent ; on se replie sans blessés ; le soir contre-attaque ferme de la bruyère ; on couche sur emplacements ; le lendemain on se replie sur Cierges.

29 Août

On prend position ; bivouac au dessus de …..

30 Août

On se place entre Cierges et Montfaucon ; on attend toute la journée entre deux lignes d’artillerie ; le soir contre-attaque sérieuse. On refoule l’ennemi. Nous sommes en rage ; la nuit on est obligé de cesser, on couche sur place. Je couche avec Jojot dans un trou d’obus. A 24h. on se replie et allons coucher plus loin vers Montfaucon où on fait le café.

31 Août

On se replie sous les obus vers Dombasle Arocourt.

1er Septembre

Le lendemain on reforme le Régiment ; on prend les avant-postes à Oches en haut d’une route ; rien de particulier.

Les allemands bombardent Varennes, ils sont à 4Km de Bar.

2 7bre

On quitte le pays et on va à Courcelles s/aire, nous y logeons, nous sommes très fatigués, nous trouvons (….) ; On part le lendemain à 3h. Au matin on prend position dans un bois, le soir on va près de la ferme des Angles

3 à 6 7bre.

Le lendemain même position ; Je suis de garde au poste de police

7 7bre.

Même position

Convoi de munitions allemand pris par cavalerie de Verdun

8 7bre.

On a bivouaqué dans les jardins, on mange lapins, soupe à 8 heures du matin ; même position qu’hier.

Le 40eme d’artillerie sur notre droite est repéré par les obusiers. Il perd un capitaine et un brigadier ; la soirée se passe sans autre incident ;

On bivouaque, il fait très chaud.

Dans la nuit les allemands bombardent Courcelles qui prend feu.

9 7bre.

Distribution de vin de réserve à 3H.

On part à 4h. pour aller un peu plus loin sur une crête. Nous recevons un bombardement terrible qui nous fait des blessés ; obus percutants derrière nous à très peu de distance. Je suis malade ; j’ai mal à l’estomac.

La nuit vient. Je crois que nous restons encore sur les positions.

10 7bre.

Réveil dans la nuit à je ne sais quelle heure ; on distribue les vivres de réserve à la hâte, car nous sommes attaqués sur notre droite.

Nous avons 500 mètres à faire et nous nous trouvons face à face avec l’ennemi. La nuit est terrible, on ne sait pas ce que l’on fait, on hésite pour tirer.

Fusillade à 30 mètres de distance.

La 11eme qui est à notre droite se replie, des allemands nous tournent à droite ; nous battons en retraite, on nous canarde de tous côtés.

Nous mettons baïonnette au canon, nous sortons du village, nous faisons 5 prisonniers.

Le jour vient ; pendant tout ce temps c’est la pluie à torrents, on est mouillé jusqu’aux os.

Nous prenons position sur une crête, nous tirons à 1100 mètres sur des troupes qui se replient ; vive riposte de leur part.

Tout le reste du jour nous restons en position d’attente, tout mouillés ; voila 4 jours qu’on ne dort pas et que l’on mange des vivres de réserve.

Le soir nous prenons avant postes.

Je couche sans paille dans un fossé, malgré cela on dort quand même.

11 7bre.

Le matin nous faisons des tranchées. Les obus sifflent à notre gauche ; il continue de pleuvoir ; vers midi il fait un vent froid qui nous sèche en partie. Les cuisiniers vont faire la cuisine à Lonchamp, ils reviennent à la nuit.

Il commence à pleuvoir a seau ; bon souper, mais on ne peut pas en profiter à cause de la pluie.

On se couche. C'est-à-dire, on s’assoit dans un coin de tranchée, un peu de paille sur les genoux ; on attrape des crampes. Vers 24h. on entend fusillade. Alerte ?, la pluie continue à tomber à verse ; c’est quelques sentinelles qui tirent sur des buissons ; l’artillerie tire toujours.

12 7bre.

Le matin je viens à (…) avec une corvée pour faire la cuisine ; on tue un porc, nous mangeons bien ; On touche beaucoup trop de viande, moutons attrapés dans les champs, etc..

La pluie continue.

On apprend que les Boches reculent partout ; nous, nous tenons toujours. Notre tranchée a été élargie et bien couverte ; on se prépare à passer une bonne nuit. On se couche, alors la pluie commence.

Vers minuit tout le monde se réveille. Il y avait 15 centimètres d’eau dans la tranchée ; quelques uns dorment malgré cela. Alors on se met dehors sous la grande pluie, on fait du feu.

13 7bre.

Dimanche. On se sèche entre deux ondées ; malgré cela on ne nous relève pas.

A 9H. les 10 et 11eme Cies. vont en reconnaissance ; nous attendons. (Les Russes sont à Berlin. On n’entend plus rien en ce moment).

Le soir nous quittons nos emplacements pour aller cantonner à Irsoncourt.

Je suis malade, j’ai des coliques formidables ; malgré cela je dors bien, car nous sommes dans une grange.

Nous avons deux prisonniers qui ont été pris à Courcelles, ils soignaient des blessés.

14 7bre.

Départ le lendemain à 4 heures.

Mes coliques sont à peu près passées.

Le café me fait beaucoup de bien.

Les 2 prisonniers sont de nouveau avec nous, je cause beaucoup avec eux.

A Dugny, un habitant donne un coup de poing à l’un d’eux. Le lieutenant lui donne 2 formidables coups de poing. Nous arrivons à Belleny.

15 7bre.

Après une bonne nuit, nous contournons Verdun pour aller à Vauge devant Damloup. Rien de particulier, toujours nos deux prisonniers

16 7bre.

Départ 4 heures ; il pleut. Nous allons jusqu’à Bezonvaux où nous attendons en réserve jusqu’à 3 h. de l’après midi. Les batteries des forts tirent. Nous allons dans le bois, les obus nous entourent ; nous ne pouvons plus avancer étant trop sous le feu de l’artillerie. Nous nous couchons dans un fossé dans le bois et nous préparons à passer la nuit là, sans paille, sans rien sur le sol humide. Pas de distribution, la voiture ne pouvant pas venir.

17 7bre.

On a dormi comme on a pu, en s’étirant de temps en temps pour se réchauffer et faire passer les crampes, car on est tout recroquevillé.

Dans la nuit on entend fusillade très proche, de même que vers 6 h. du matin voilà les obus qui recommencent à passer au dessus de nous.

Nous changeons de position ; nous allons dans le bois vis-à-vis ; les obus passent à notre droite. Là nous rejoignons le complément venant de St Brieuc. Quelques volontaires s’y trouvent ; ils nous donnent des biscuits et un peu de pain.

Ne nouvelle fusillade nous passe au dessus de la tête ; nous retournons dans le bois vis-à-vis ; nous sommes repérés par les allemands qui nous criblent d’obus : quelques tués et blessés.

La pluie fait rage, les obus cessent de tomber ; nous restons sous la grande pluie jusqu’à 8 h. du soir, nous sommes mouillés jusqu’aux os.

Vers 9 h on nous permet de faire du feu. Alors nous sommes gaillards ; bientôt ce n’est plus que feux énormes entourés de tous qui se sèchent. Les hommes vont chercher l’eau dans les trous d’obus et nous faisons un potage salé et du café. On continue à se chauffer jusque vers 5 heures. Nous touchons l’ordinaire, on fait vivement cuire la viande.

18 7bre.

La pluie tombe, mais pas bien fort.

Nous sommes un peu en arrière de nos positions d’hier et attendons derrière les piles de fagots qui nous protègent tant bien que mal du vent.

Presque tout le monde sommeille, car voila 2 nuits que l’on oublie de dormir ; enfin cela n’est qu’une habitude à prendre ; gare aux douleurs ! il y en a déjà beaucoup qui s’en sentent.

Il est en ce moment 9 h. du matin, je vais essayer de dormir un peu, impossible, le canon tonne, l’eau tombe.

A 12 h. nous mangeons un peu : potage salé, biscuits.

Nous allons reconnaitre emplacements de combat à la lisière du bois si nous sommes attaqués ; nous achèverons nos abris de manière à être mieux à l’abri.

Le soir nous plaçons sentinelles et on se couche comme l’on peut. Alerte vers 24 h. Fusillade nourrie devant nous ; on se tient prêt à marcher ; l’eau tombe par rafales, on est transpercé, on gèle.

19 7bre.

Le jour vient ; on voit tout le monde avec des têtes de décarés sortir des abris tout grelottant, frappant le sol plein d’eau pour se réchauffer.

A 5 h. du matin, le 1er Bon. Vient relever le 2ème qui va aller se reposer dans une ferme à 3 Km.

Je vois André Grégoire – Nous, nous restons là. J’oublie de dire que pendant la nuit à 2 h. on va toucher l’ordinaire je ne sais où.

Les hommes trouvent dans un fossé du pain, de la viande, haricots, le tout jeté à même le sol et par conséquent tout mouillé ; on ne trouve pas les distributeurs ; les hommes rapportent ce qu’ils peuvent ; on a un quart de boule de pain pour la journée.

Le mauvais temps continue ; on entend fusillade un peu partout ; nous avons la permission de faire du feu, Oh ! alors on est heureux comme des rois ; on sèche un coté pendant que l’autre mouille, enfin on est mieux quand même.

A 12 h. nous mangeons notre viande cuite à l’eau de pluie ramassée dans les trous d’obus, nous mangeons quelques haricots qui nous semblent exquis ; dans un quart de café on trouve environ une petite cuillerée de terre, mais cela ne fait rien, on trouve le moka épatant, car c’est le temps des biscuits et autres bontés comme cela.

Nous attendons toujours. La 10ème doit venir nous relever, mais cela est la même chose, car nous irons 200 mètres plus à droite dans le bois et le changement de domicile sera fait.

Sur la situation, nous ne savons rien de nouveau ; on ne sait pas si les Boches reculent, mais en tout cas la côte de Romagne tenue par les Boches est dure à avoir, car voilà 4 jours que les 120 et les 75 s’y acharnent sans grand résultat.

A la nuit, la 10ème Cie vient nous remplacer, les abris nous semblent meilleurs ; on se prépare à passer une bonne nuit, après avoir bien mangé.

Nous devons toucher rhum et autres vivres de réserve en surplus.

De grands feux sont allumés ; les distributions se font, quand viennent deux gros obus au milieu de la compagnie qui nous tuent quatre hommes.

Nous nous rassemblons et allons à 200 mètres plus loin. On achève les distributions et on se couche à même le sol. Je couche sur une toile de tente avec (…), vers (…) je me relève gelé, tout mouillé par le brouillard ; malgré le danger on refait quelques feux et on passe le reste de la nuit près du feu : cette fois on a complètement perdu l’habitude de dormir.

20 7bre.

Nous faisons le café à 5 heures, toujours la fameuse eau de pluie prise dans les trous d’obus.

On rassemble la compagnie ; on attend que l’on vienne nous relever, car voilà quatre nuits que l’on passe sous la pluie, en pleine forêt.

On apprend que nous serons relevés à dix heures par la 65ème division.

En attendant son arrivée nous faisons cuire notre viande de manière à pouvoir dormir en arrivant au cantonnement. Il ne pleut plus, mais il fait froid ; nous attendons jusqu’à la nuit, cela nous semble très long.

Nous sommes comme des automates, sans pensée, autour d’un feu.

A 7 h. nous partons.

Oh ! alors ce trajet à travers des chemins complètement détrempés, la boue passe au-dessus des jambières ; on a les pieds complètement mouillés et les chaussures pleines de boue ; mais malgré cela, on pense que l’on couchera dans la paille.

Nous allons à Damloup où nous arrivons vers 9 h. du soir. Là, nous avons une belle petite place que nous a trouvée le caporal d’ordinaire ; bien vite, nous faisons un excellent potage salé, car les cuisiniers, partis avec le campement, ont déjà de l’eau chaude, et un peu de singe rôti.

Là-dessus on se couche et on tombe en léthargie jusqu’au lendemain matin à 6 heures

21 7bre.

On se lève encore tout fourbu, mais un peu mieux quand même. Les hommes se nettoient car on en a besoin ; on fait des compotes, lave mon linge.

A 12 heures on reçoit l’ordre de se tenir prêt à partir dans une demi-heure.

Oh ! Alors cette bourrade ! On avale un peu de bouillon à la hâte, on distribue la viande et on part regrettant ce pays.

Nous allons jusqu’à Ambly, de l’autre côté de Verdun.

Une marche lente, tuante ; on s’arrête chaque 50 mètres ; les hommes tombent de sommeil entre chaque halte, on s’endort sur le bord de la route. Nous arrivons à (…)

Nous avons un cantonnement où on ne peut pas se loger. J’ai un homme qui passe à moitié au travers du plancher ; pas d’échelle pour monter ; on escalade comme on le peut : pas de paille, rien à manger. D’ailleurs les hommes ne pourraient pas manger, étant trop fatigués. Malgré tout, on dort jusqu’à 4 h.20.

22 7bre.

Nous partons à la hâte à 56 heures ; on boit le jus comme si on le volait et en route pour Lacroix.

Nous sommes en réserve et attendons. Les obus sifflent de tous côtés ; nous sommes obligés de changer de place plusieurs fois, car nous sommes pris dans la fourchette.

Le soir, à la nuit, nous allons à la lisière d’un bois, nous prenons la formation bivouaque. Au bout d’une demi-heure nous allons cantonner dans le village. On fait du feu ; nous avons le temps de faire un potage et on se couche. Dans la nuit les obus éclatent au dessus de la maison.

Le matin on ne peut pas faire de jus, et en route pour le même emplacement.

23 7bre.

Nous sommes en réserve de la Division, toujours les obus de tous côtés.

On change maintes fois de place ; on fait un peu de feu et un peu de jus en arrière des emplacements.

Rien de nouveau jusqu’au soir.

Le soir, vers 5 h1/2 nous allons faire des tranchées sur le haut d’une crête, vis-à-vis de nous. Au bout d’une heure, les obus nous entourent, nous ne savons plus de quel côté tourner ; Les Allemands bombardent tant qu’ils peuvent les forts autour de nous.

Le soir nous bivouaquons sur le terrain. Toujours nourriture froide (singe, etc.) ; la nuit se passe sans rien d’anormal.

24 7bre.

Le bataillon est en réserve à la même place ; Alors dès le matin fusillade nourrie par les premières lignes à 1500 mètres de nous. Les obus éclatent partout, c’est miracle que nous n’ayons personne de touché. Une grande partie de la journée se passe ainsi. Vers 4 h. les Allemands se trouvent sur une crête, juste sur notre flanc droit, à 900 m. de nous. Ils ouvrent un feu nourri ; nous tirons pendant au moins une heure, nous ne les voyons pas bien ; nous avons beaucoup de blessés, vingt-cinq à la section ; nous tirons toutes nos cartouches, et nous sommes obligés de nous retirer faute de munitions. La nuit vient, nous restons derrière un fossé pendant au moins 3 heures ; on commençait à dormir quand il faut s’en aller.

Nous traversons (…), c’est triste ; tout brûle, tout est pillé ; nous allons plus loin dans les champs et bivouaquons ; On peu faire cuir un peu de viande et un potage salé. Les hommes qui vont au village rapportent tout ce qu’ils peuvent trouver dans les maisons détruites (linge, bois, etc.) ; ils en abusent même un peu, on voit quelques hommes ivres.

25 7bre.

Le lendemain, réveil au jour, vers 5 h.

Nous sommes en deuxième ligne et prenons position sur une crête en arrière du village de manière à en battre la sortie. On voit du haut de la crête occupée par l’ennemi ; 2 batteries se trouvent devant nous ; nous avons sans doute été vus car les obus nous entourent depuis une heure environ. Nous sommes entrés à une cinquantaine de mètres dans le bois. Quelques obus arrivent à quelques mètres de nous et nous obligent à nous déplacer vers la gauche. Jusqu’à la nuit nous avons été canardés sans discontinuer ; c’est énervant, car à chaque instant, on tend le dos.

Vers cinq heures du soir, nous avons deux blessés, mais blessures heureusement très légères.

A la nuit, nous sortons du bois et nous installons à la lisière, en lignes de section par quatre face au village de (…) qui brûle. On va chercher de la paille et on se prépare à passer une fois de plus la nuit à la belle étoile.

La nuit à été froide ; je me relève vers une heure, car j’ai mal au ventre ; il gèle même ; au jour, nous reprenons la position de la veille, à 50 m. dans le bois.

26 7bre.

On distribue les vivres qui sont touchées en arrière dans un ravin au pied du fort de Troyon. Dans le milieu de la matinée, nous sommes remplacés par un autre bataillon ; nous allons dans le ravin au pied du fort ; les obus tombent toujours sur le fort et sur le bois qui se trouve devant nous. Il vient de passer un aéro allemand ; nous avons cru un moment que l’artillerie venait de le toucher, car il baissait fortement ; mais c’était une illusion, il baissait simplement pour atterrir.

La situation reste la même jusqu’au soir. Nous allons chercher de la paille, préparons nos lits et nous préparons à nous coucher.

Une heure plus tard on nous fait changer de place et nous transportons notre paille à 800 m. plus loin.

Nous passons la nuit dans ce nouvel emplacement, la nuit est fraîche, malgré cela, j’ai bien dormi.

27 7bre.

Réveil à 4h ½. On prend le café et restons sur place ; Nous montons plus avant dans le bois en élaguant toutes les branches qui nous gênent, de manière à nous mettre à l’abri des shrapnells qui éclatent dans le ravin, juste dans notre direction.

Pas de nouvelles (Georges Denninger dit avoir un tuyau, que nous prenons l’offensive dans une heure ; que les Allemands sont à Saint-Mihiel).

On se prépare à faire le café ; nous buvons le café et vers deux heures nous avançons dans un ravin tout proche. La marche d’approche commence par section par deux à 200 m. de distance ; nous traversons une petite vallée quand nous sommes aperçus. Alors les shrapnells nous couvrent ; nous avons juste le temps de nous coucher contre un petit talus. Les obus ne passent peut-être pas à un mètre au-dessus de nos têtes. L’un d’eux éclate même à quelques mètres en avant, et je reçois un éclat à la tête, sur la jugulaire. Je dis : je suis touché ; quand au même instant il y en a un qui passe entre un camarade et moi, suivant la pente du talus.

La situation devient plutôt dangereuse, alors nous allons plus à gauche en suivant le talus ; nous sommes encore salués par quelques obus, mais nous arrivons tous quand même jusqu’au pied d’un mur où nous sommes un peu à l’abri.

La 11ème Cie. qui nous suit n’a pas de chance. Un obus éclate juste au dessus de sa 1èere section, lui tue un homme et un blesse 2 autres, tout cela à trois mètres de nous.

Le 154eme passe à coté de nous pour aller prendre position ; il est en désordre et nous fait repérer de nouveau.

Sur la crête, ils subissent d’énormes pertes : un centaine de blessés dans l’espace d’une demi-heure et quelques tués.

A cet instant, nous étions à peu près tranquilles ; nous ouvrons quelques boites de bœuf ; moi je prends un peu de sucre pour manger un biscuit et fais la réflexion (Je vais me dépêcher de mettre mon sac, car par ce temps là , ce n’est pas salubre) ; à peine avais-je dit cela que voila un obus qui éclate juste sur la crête du mur, à l’endroit exact où je me trouvais ; Ce que j’ai éprouvé est indéfinissable ; j’ai crié, car j’ai reçu deux ou trois moellons sur le derrière de la tête, au milieu d’un nuage de poussière et fumée ; cela sentait le soufre.

J’ai été presque assommé ; enfin je m’en tire avec deux grosses bosses derrière la nuque.

Un camarade est légèrement blessé. La nuit vient ; nous couchons à 20m. à gauche de la ferme. Nous faisons une corvée de foin et de paille et passons une bonne nuit ; nous couchons à quatre côte à côte et avons bien chaud.

28 7bre.

J’écris et reçois une lettre du 22 7bre.

Le jour vient, j’ai une douleur dans l’épaule droite. On fait le café ; cela est notre principale nourriture, car toujours manger des bifteacks à moitié cuits, cela ne va plus.

Je sui complètement dégouté de la viande ; on mange des tartines de saindoux ; Vivement que l’on puisse manger une bonne soupe aux légumes et faire la pause pendant quelques jours. Les fins tuyaux de G.D. étaient heureusement faux. Il y a trois corps qui attaquent les boches de flanc et, nous sommes là pour les empêcher de reculer et de passer par la trouée de Spada.

Pour ce matin nous sommes encore à la ferme en position d’attente, à la ferme du grand moulin.

Les obus éclatent devant nous, je croix, assez loin ; en ce moment, les cuisiniers font la soupe.

La journée se passe sans accident, toujours les obus à droite, à gauche, et partout.

A la nuit, nous allons reconnaître les emplacements pour faire faire des tranchées pendant la nuit.

Il faut être prêt pour 7 heures.

Nous ne partons que vers 9 heures. Nous touchons de gros outils et partons au travail. Nous fortifions la ferme face à la vallée ; le travail dure jusqu’à 11 heures. Nous rentrons nous coucher dans le foin ; il fait bon ; on ne souffre pas du froid.

Vers 3 h. du matin, alerte.

29 7bre.

(J’écris) Nous recevons une vive fusillade à droite ; nous nous portons vivement aux tranchées et attendons. Les balles passent au dessus de nos têtes, les obus éclatent sans blesser personne heureusement.

Je suis fatigué et mal partout ; j’ai l’estomac en déroute.

Je dors dans la tranchée ; nous y restons environ une heure, jusqu’au moment où la fusillade a cessé, ensuite nous sommes rentrés nous coucher.

A 5 h. réveil, on prend le café ; on se recouche malgré une pluie fine qui commence à tomber.

E me mets à l’abri comme je peux avec un cuir de capote de voiture que j’ai découpé hier soir ; Les obus éclatent devant nous.

Ce matin, cette fusillade était une escarmouche entre les Chasseurs et les Allemands.

Hier j’ai reçu une carte du 22, cela est long à venir. Le temps semble long, interminable ; nous sommes là à attendre, couchés sur la paille, tendant le dos à chaque instant, se cachant à chaque aéro qui passe ; malgré cela, nous dormons pendant une bonne partie de la journée.

L’estomac se remet un peu, car on a pu faire cuire quelques pommes de terre et se mettre au régime végétarien ; Les cuisines se font dans toutes les chambres de la maison ; je en sais pas comment ils peuvent rester dans la fumée, comme ils le font.

Dans la soirée nous faisons une grande tranchée pour nous mettre à l’abri des obus. Le travail était presque fait, quand un grand panneau recouvert de terre s ‘écroule, alors tout est à refaire.

A la tombée de la nuit une vive fusillade devant accompagnée de canon ; nous allons vivement aux tranchées ; au bout d’une heure cela se passe, nous allons chercher des outils et creusons encore d’avantage nos tranchées ; nous rentrons à 9 h1/2.

On se couche ; on touche l’ordinaire.

10 h1/2, le canon tonne toute la nuit ; celle-ci se passe quand même sans incident.

30 7bre.

(J’écris – Je reçois une carte du 25 et du 2 7bre.)

Réveil au jour, il a gelé, même assez fort ; nous sommes tous à la glace ; en attendant le lever du soleil nous nous promenons de long en large, nus prenons le café qui nous fait un grand bien. Le matin le soleil est bon ; nous nous réchauffons bien.

On entend quelques coups de fusil en avant de nous, quelques coups de canon aussi.

Il passe beaucoup d’’aéros ; à chaque instant nous sommes forcés de nous coucher rapport à eux.

A la nuit nous sommes alertés, comme tous les soirs une vive fusillade, c’est (…) qui sont attaqués. Au bout d’une heure c’est fini et nous rentrons.

Comme depuis quelques jours nous couchons jusqu’au matin, je dors à peu près, je n’ai pas eu froid.

1er 8bre.

(J’écris une carte et reçois carte du 20 7bre.)

Toujours la même chose, nous restons en position d’attente derrière notre maison qui n’est pas un moulin, mais une ancienne fabrique de chicorée. (Chicorée de Domrémy, écart de Lacroix s/Meuse) ; Le temps est toujours au beau, il gèle un peu la nuit. C’est abominable, on ne peut pas se laver ; voilà bientôt huit jours qu’on ne l’a pas fait.

Je commence à trouver le temps bien long et ennuyeux ; toujours là à attendre et tendre le dos, cela n’a rien de bien amusant. En ce moment, c’est la vie de brute : rien à lire, rien à faire.

En ce moment il éclate des obus très près de la ferme, où nous sommes. Je crains fort que nous n’ayons été repérés par un aéro qui en passant au-dessus de nous à justement arrêté son moteur. Ce n’est heureusement qu’une fausse alerte. La nuit, vive fusillade qui dure très peu ; nous ne nous dérangeons pas quoique les balles passent au-dessus de nos têtes.

2 8bre.

Nuit ordinaire, rien de nouveau.

Le matin je suis désigné pour aller chercher de l’huile pour la Compagnie dans une fabrique de galoches qui se trouve en avant de nous. Les obus l’entourent juste comme nous y allons ; mais cela se passe et, nous avançons quand même. Là se trouve une importante usine qui a été bombardée. Cela devait être une belle installation d’après ce qu’il en reste (Usine Letscher).

Je rapporte de l’huile, outils et légumes, ce qui va nous servir à faire de bons repas. J’y retourne deux fois encore de manière à rapporter tout le nécessaire pour faire des abris. Le soir nous mangeons une excellente soupe aux choux et de bons légumes.

On nous dit que nous allons remplacer le 214, mais cela est faux, car nous passons encore la nuit à cet endroit.

Vers 7 heures nous allons aux tranchées pour les renforcer encore ; nous rentrons deux heures après. Alerte ! nous courons à nos emplacements ; comme toujours fusillade nourrie, canon. Au bout d’une demi-heure nous rentrons.

2 heures plus tard, deuxième alerte ; cela devient énervant.

3 8bre.

(Je ne reçois rien). Je dors profondément, on est forcé de me réveiller tellement je suis bien au chaud dans mon foin. Il fait un épais brouillard ; les cuisiniers se sont laissé voler le sucre et le café ; enfin je peux en avoir un quart à la 15ème et à la 16ème.

La matinée se passe monotone, sans rien de nouveau ; quelques coups de canon tirés dans notre direction, mais beaucoup trop longs. On fait presser les cuisiniers car nous devons relever le 154ème. Vers 12 heures nous nous mettons en route ; nous allons occuper des abris faits sur la crête au dessus de la saboterie ; là, nous sommes très bien dans de beaux abris. Nous passons l’après-midi à dormir dans nos nouvelles habitations. Le soir nous mangeons du singe, car nous n’avons pas pu faire du feu étant trop près de l’ennemi. A la nuit, nous allons dans nos tranchées qui se trouvent à vingt mètres plus haut, dans le bois. J’ai trouvé une toile de paillasse qui serte à nous envelopper Picard et moi, avec un peu de foin dans le fond, nous dormons on ne peut mieux, nous avons bien chaud.

Incident : Comme nous allons prendre position, on nous tire dessus (Allemands ou Français, je ne sais pas qui). La section est de garde ; nous devons faire des rondes, c'est-à-dire aller tout le long des tranchées, et faire un tour aux cuisines qui se trouvent dans l’usine et qui fonctionnent seulement la nuit. Je fais ma ronde vers trois heures du matin, rien d’anormal, je rencontre un homme qui se ballade, mais à la cuisine on fait le thé avec du pain grillé. J’y reste environ une heure et retourne dans ma tranchée où je redors jusqu’au matin.

4 8bre.

(J’écris 2 cartes)

Nous rentrons dans nos abris ; là, la soupe au bœuf nous attend avec du riz au gras ; nous mangeons et arrangeons nos abris, car le brouillard est très épais et la pluie menace. Je me fais un bon petit coin, monte une étagère de manière à mettre mes bibelots, et maintenant nous n’avons plus qu’à lire ou dormir, c’est au choix.

Cette nuit, aucune alerte, cela nous change, car, d’habitude c’était une ou deux alertes par jour. Ce matin tout est calme, la journée se passe sans rien de nouveau. Ce qui m’embête, c’est qu’on à rien à manger de chaud, n’ayant pas pu faire de cuisine pendant la journée.

Une patrouille ayant été à la cartonnerie en avant de la saboterie est vue et immédiatement arrosée par les obus, pas d’accident.

La nuit vient, nous pourrons coucher dans nos abris ; à la moindre alerte nous devons aller dans nos tranchées.

5 8bre.

(J’écris le matin ;) Réveil. Cuisiniers apportent la soupe ; rien de nouveau. On dort, on lit, on fume, vie d’inutile et abrutissante.

Le canon tonne fort vers St Mihiel.

J’attends le vaguemestre. La journée se passe la même que les autres, sans rien de nouveau.

J’améliore mon abri de manière à ne pas mouiller, car voilà la pluie qui commence à tomber.

J’attends en vain la vaguemestre, car, rien ne vient et j’attends toujours mon colis.

6 8bre.

(J’écris). Nuit sans alerte. Toujours (…) par les cuisiniers ; on peut se laver, cela fait beaucoup de bien.

Je me fais raser et couper les cheveux. L’adjudant Mathis revient ; le temps est brumeux ; il pleut, même un peu, la pluie ne dure pas ; on lit ; le soir je suis désigné pour aller garder le miel des officiers dans une cartonnerie qui se trouve en avant de nous.

J’y vais avec quatre hommes ; nous sommes salués par une salve de shrapnells, qui ma foi, nous serrent de près ; nous arrivons malgré cela à la ferme ; les obus tombent jusque sur le toit.

Au bout de cinq minutes, accalmie.

Alors nous cherchons les mouches, une ruche pleine est renversée ; on essaye de tirer des cadres, mais sans résultat, car, aussitôt, on est entouré. Malgré cela, après maints efforts, nous pouvons en avoir deux cadres, juste au moment où les hommes des officiers viennent pour les chercher. Eux, s’en retournent bredouilles ne pouvant plus approcher les mouches en furie.

Nous restons dans les baraques.

Pour la nuit, la section fournit des sentinelles et est de ronde. Alors vers 11 h. on va faire le thé ; la nuit est fraiche, il gèle.

7 8bre.

Réveil en fanfare par la soupe. (Déconvenue des hommes chargés d’aller chercher le miel pour les officiers : un sergent du 154ème a emporté la ruche, le miel et tout le truc.) Le soir on joue au 31, on lit, dessine ; enfin je constate qu’à la Guerre on prend bien des défauts : on joue, fume, boit, etc.…

Pendant la nuit, je suis malade, j’ai des coliques qui me font souffrir. Je me relève plusieurs fois dans la nuit.

8 8bre.

(J’écris une carte)

Réveil à 3 h. du matin pour aller relever la 11ème Cie. Qui se trouve en avant dans le bois. Nous arrivons aux emplacements au lever du jour ; nous changeons d’abri.

Nous prenons des tranchées pour tirer à genou qui sont recouvertes, mais il fait froid, on y est gelé ; pourvu que nous n’y restions pas longtemps. Nous sommes tout à fait en première ligne ; nous voyons la crête où sont les tranchées Allemandes.

Pendant la journée nous lisons et jouons aux cartes.

Dans l’après-midi, nous allons faire des feux de salve sur une lisière de bois qui se trouve à 1600 m. d’où nous sommes. Nous avons des petits postes en avant de nos sections qui se trouvent juste à la lisière du bois. Nous n’avons rien à manger, nous ne pouvons plus faire qu’un repas par jour, le matin au (…) alors total, on ne mange presque plus rien. Nous nous couchons : vers 24 h. alerte ! les balles sifflent, les petits postes rentrent ; cela dure au moins une heure. Nous sommes derrière nos créneaux avec un tas de cartouches, prêts à tirer. On recommence à dormir jusqu’au matin.

(Je reçois mon tricot)

9 8bre.

(J’écris une carte).

Baronick (1) donne une de mes cartes à sa femme. Rien de nouveau. Toujours à la même place, même emploi du temps. Dans la soirée nous sommes entourés d’obus ; en ce moment même les éclats arrivent jusqu’aux tranchées. Rien de changé à la situation.

(1) BARONICK Paul Arthur, sergent au 155eme régiment d’infanterie (né le 17/12/1891 Vaucouleurs)

+ 12/08/1918 au bois de Loges – Conchy les Pots (60)

10 8bre.

(J’écris une carte)

On a passé une bonne nuit, bien chaude, sans alerte. Mais au matin il pleut et cette pluie dure presque toute la journée. L’eau traverse nos abris et nous commençons à mouiller. On se préserve tant bien que mal ; pour la nuit on se couche dans les petits coins qui n’ont pas été mouillés, tous recroquevillés ; enfin on arrive à dormir.

Une vive fusillade nous réveille vers onze heures ; mais alors ce n’était pas pour rire.

Au bout d’une heure cela cesse et nous recommençons à dormir.

Je suis réveillé à 3 heures pour faire une patrouille. Je fais ma patrouille sur la gauche de (…) et m’approche très près des Boches, à peu près à 100 mètres de leurs tranchées.

J’en vois une cinquantaine qui se défile, alors nous nous en retournons.

Des camarades de la 12ème sont moins heureux, ils sont attaqués et perdent un homme.

11 8bre.

Le beau temps est revenu et est le bien venu, il va un peu sécher nos couvertures. Les obus passent au-dessus de nous ; à part cela, rien de nouveau. Combat d’artillerie toute la journée. Je donne renseignements su patrouille. Rien d’autre pour la journée. Je reçois une carte du 5 8bre. 1914

12 8bre.

(J’écris une carte ;)

Il a gelé, même assez fort. La nuit a été tranquille, sans alerte. On construit une tranchée de plus à droite. Rien de nouveau.

13 8bre.

(J’écris une carte)

Nuit tranquille, sans alerte, très chaude avec une couverture touchée à l’ordinaire. On pose fils de fer devant la tranchée. On tire sur un aéro passant à bonne portée ; rien d’autre.

14 8bre.

Nuit tranquille. Bombardement terrible dans les environs ; rien d’autre.

15 8bre.

Nuit tranquille. On refait nos abris pour y séjourner. Chef de chantier ; le soir je reçois un bienvenu colis et deux lettres (enfin, j’ai des nouvelles).

Demain nous changeons d’emplacement. Nuit terrible, engagement sur toute la ligne, fusillade nourrie.

16 8bre.

(J’écris une lettre)

Nous changeons avec le 12ème Cie. Oh ! Alors ce travail ; on pioche toute la journée dans la côte. J’attrape des ampoules. Je pellète, pioche toute la journée, enfin vers 4 h. notre trou est fait, nous couvrons provisoirement pour la nuit. A la nuit, nous allons sur nos emplacements de combat. Nous y trouvons des tranchées sans créneau, inutilisables, sales, ignobles. Nous faisons des créneaux et rejoignons nos abris. Nous couchons à même le sol ; c’est dur et pas très chaud. Le réveil sonne à deux heures, les cuisiniers s’en vont : à 5 h. départ ; relève du petit poste.

17 8bre.

(J’écris une carte.)

Nous sommes en petit poste à gauche des tranchées ; nous avons un petit abri.

J’envoie chercher un sceau d’eau ; nous pourrons peut-être enlever le plus gros de la crasse qui nous couvre. Le temps est sombre.

Voilà le mauvais temps qui vient à grand pas ; gare au quartier d’hiver ! Heureusement, il ne pleut pas très fort, et tous nous pouvons loger sous le petit abri. Toute la nuit nous sommes dérangés par les sentinelles qui se relèvent. Aucun bruit. Quelques coups de fusil en fin rien. Nuit tranquille ; la température est douce.

18 8bre.

(J’écris)

On vient nous relever à 5 h. Nous prenons le café et repartons aux abris. J’améliore un peu ma place et lis un beau livre. L’après-midi, nous jouons aux cartes jusqu’au soir ; La nuit vient. Rien de nouveau sur notre front.

Vive canonnade du côté de St Mihiel.

19 8bre.

(J’écris une carte.)

Je reçois une carte du 12 8bre. Nous faisons une théorie sur le montage des tentes. Le chef qui est allé à Dieue nous vend (chocolat, gâteaux, conserves, enfin c’est la noce !).

Les parties de cartes recommencent jusqu’à 4h. Alors nous essuyons une vive canonnade sans aucun mal.

Demain nous délogeons (Un tuyau : nous devons remplacer les troupes de Paris ; si cela pouvait être vrai !).

Le soir, je reçois un paquet qui m’est apporté par Mr. Poirson. J’y trouve du chocolat, flanelle, conserves) et des nouvelles du 16 8bre. La nuit vient ; à peine couchés, voilà la fusillade ; nous allons aux tranchées et tirons sur je ne sais quoi ; sur quelques patrouilles qui sont dans la vallée. Les balles sifflent au-dessus de la tête ; cela dure jusqu’à 24 h. A 24 h. nous retournons dans nos tranchées et dormons jusqu’à 4 h. du matin sans autre incident.

20 8bre.

(J’écris une lettre.)

A 5 h. du matin, la 10ème Cie nous relève et nous allons dans les tranchées de la 12ème. Je touche une chemise neuve, j’en profite pour me changer ; on se rase ; enfin on peut un peu s’approprier, ce n’est pas sans mal. J’oubliais : Dans la nuit les Boches nous envoient des fusées éclairantes. La toilette faite, on s’occupe de couture. Je fais des poches à ma capote. Je suis longtemps à faire cet ouvrage, mais enfin, j’y réussis à peu près. La nuit se passe sans rien d’anormal; aucun bruit, rien.

21 8bre.

(J’écris une carte.)

Nous mangeons un exquis rôti avec du riz. J’achève mes poches de capote ; on se lave à grande eau. Je vais faire le thé et m’occupe de la cuisine pour le soir. Je fais le thé, ensuite on épluche les choux et les pommes de terre et le chef cuisinier Chilly met le tout en route.

Nous avons alors un excellent plat de choux auquel nous ajoutons une petite boite de saucisses conservées.

A la nuit Finot va à la chasse et rapporte un superbe lapin pour le lendemain. Un peu avant la nuit, nous recevons des obus qui ne nous font aucun mal.

22 8bre.

(J’écris une carte.)

Nuit pareille. Aujourd’hui nous changeons d’emplacement ; nous allons en première ligne. Nous retrouvons les tranchées que nous avons faites la première fois ; Il faut encore y travailler, les autres compagnies n’y ayant rien fait. Nous mangeons un lapin préparé par Chilly.

Le soir nous organisons une popote ; l’autorisation nous est donnée. Le sergent-major va aux provisions à Dieue. Je reçois un colis donné par Mme Baronick ; nuit tranquille sans aucun incident mais le matin il fait froid.

23 8bre.

(J’écris deux cartes.)

Je passe la journée à lire « Triboulet » ; rien à signaler ; Vers 4 h. vive canonnade. Je reçois un colis apporté par Madame Baronick ; la nuit se passe sans incident.

24 8bre.

(J’écris une carte.)

La popote est en route, et cela marche pas mal. Si cela continue, on ne sera pas mal. La journée passe vite au travail. Je reçois une carte du 16 8bre ; la nuit se passe sans rien ; canonnade assez loin de nous.

25 8bre.

J’écris et envoie du linge sale ; il arrivera s’il peut. Je reçois les deux paquets annoncés du 13 8bre. ; il y manque bien des choses. Ce matin, les obus (des gros) ne tombent pas loin ; nous construisons toujours des abris ; si cela continue, nous serons bientôt terrassiers.

26 8bre.

(J’écris trois cartes.) Cette nuit il a plu ; voilà le mauvais temps qui revient. Nous changeons de tranchées, nous allons dans le ravin près de la saboterie. Je demande des cartes de l’Etat-major. Rien d’anormal. On voit les obus tomber sur le camp des Romains. Il fait froid, on sent l’hiver qui approche à grands pas.

27 8bre.

J’écris. Nuit passée tranquillement, sans incident ; Rien de particulier dans la journée.

28 8bre.

J’écris. Nuit tranquille ; on lit ; on creuse de nouvelles tranchées abris contre la grosse artillerie. Dans la soirée, il brouillasse à la nuit il pleut fort. Malgré cela, nous ne mouillons pas sous nos abris ; à part quelques gouttières, c’est absolument étanche ; il ne fait pas froid.

Dans la matinée nous avons été entourés par les obus de 155mm qui éclatent à très peu de distance. La nuit se passe tranquillement. Il ne fait pas froid et on la trouve mauvaise quand le matin à 5 h il faut aller relever la section qui se trouve dans les tranchées vis-à-vis de la saboterie.

29 8bre.

(J’écris sur carte.) En ce moment nous sommes dans les tranchées et attendons la soupe, qui paraît-il, doit être épatante : Petits pois, museau de bœuf, frites, etc. , tout cela arrosé d’eau stérilisée avec de l’eau de Javel. Les obus passent et vont probablement se perdre sur ce pauvre fort de Trayon.

30 8bre.

(J’écris une carte.) La nuit s’est passée sans incident. Vers 7 heures du soir, violente fusillade à notre gauche qui finit rapidement. Pendant la nuit, le canon tonne sans discontinuer (gros calibre et shrapnells, tout cela dans la direction de Saint-Mihiel, à notre droite.)

A part cela nous sommes bien dans notre baraque. A 4 h. du matin, nous nous levons et changeons d’emplacement pour aller sur les tranchées de première ligne. Aussitôt arrivés, nous travaillons à la construction de fours de campagne et de nouveaux abris. Cela demande beaucoup de travail et est long à faire. Il fait très froid et le sol est complètement détrempé. Je vais travailler pendant une heure, matin et soir ; je trouve que cela me fait du bien. La nuit se passe sans incident ; Toujours à notre droite c’est un roulement continuel produit par l’éclatement des grosses pièces ; le sol en tremble et pourtant l’éclatement est loin.

31 8bre.

J’écris une carte et un longue lettre ; Continuation des tranchées abris. Je vais travailler. Toujours le même grondement à notre droite. Les Allemands ont reculé dans le Nord ; ils ont perdu 20000 hommes. Nous avançons entre St. Mihiel et Apremont. Dans l’après-midi, nous faisons des croix et des couronnes pour aller rendre hommage demain à nos camarades qui se trouvent enterrés près de nos tranchées. Le temps, après une pluie fine tombée ce matin, s’est remis au beau. Je crois qu’il va geler cette nuit. A tout instant un coup de feu part, et comme aux jours précédents, c’est une grande lutte d’artillerie. Le temps se débarrasse des nuages et je crois qu’il va geler cette nuit.

Fin du premier carnet

Novembre

1er Novembre

Fête de la Toussaint.

J’écris une carte et reçois une carte du 23 octobre.

La nuit a été froide. Vers 7 heures du soir, il se produit une violente canonnade de notre front : cela forme un demi-cercle autour de nous ; les Allemands y répondent naturellement aussitôt, sans ménager leurs munitions ; Le 154ème doit poser des fils de fer dans le ravin face à Seuzey ; cela se passe vers 3 h. du matin. Aussitôt le premier piquet en terre une vive fusillade se déclenche et dure presque jusqu’au jour. Vers 5 heures une délégation de la Compagnie va porter les couronnes et croix sur les tombes des malheureux camarades ensevelis dans la vallée ; toutes les tombes sont fleuries et arrangées avec beaucoup de goût : C’est leur fête et on ne le oublie pas ! La matinée est superbe, le temps est sans nuage, le soleil est haut ; malgré tout cela, c’est toujours le sinistre ronronnement des obus, même ils éclatent tout près de chez nous, en faisant tout trembler.

Je vais écrire et essayer de faire parvenir ma lettre par un cycliste, après cela, j’irai piocher pour me remuer un peu.

2 9bre.

J’écris une carte. Je reçois une carte du 23 8bre. Et un colis du 30 8bre apporté par le Camille.

Toute la nuit, canonnade vive ; le village de Rouvrois brûle au loin. Vers 24 heures la pluie commence à tomber sans nous inquiéter jusqu’à 3 heures. Mais à cette heure la toiture est percée et alors c’est la misère.

Nous tendons nos toiles de tentes à l’intérieur de la tranchée ; nous pouvons alors dormir jusqu’e vers 5 heures.

On vient demander les hommes qui veulent aller à la messe qui est dite par un prêtre de la deuxième qui le célébrait dans le (…).

Au matin le temps s’élève et nous pouvons faire sécher nos tentes et couvertures. Je reçois un colis contenant une lettre m’apprenant la mort de mon oncle. Le reste de la journée se passe sans incident.

Si, à un moment donné les shrapnells nous arrosent ; nous croyons être repérés, mais je ne le crois pas.

Demain nous changeons de tranchées. Je suis de garde. Le soir nous faisons le thé et attendons le Chef qui rapporte des provisions.

La nuit se passe sans incident.

3 9bre.

J’écris une carte.

Je prends le petit poste à 5 h. du matin ; rien d’anormal. Dans la matinée, il pleut un peu. Nous tendons des toiles de tentes à l’extérieur pour agrandir notre abri.

La journée se passe sans aucun incident. La nuit vient. Il fait un beau clair de lune, on y voit presque comme en plein jour. Une patrouille se dirige vers Seuzey ; elle rencontre du fil de fer mais peut tout de même pénétrer dans une maison.

Nouvelles. Les Allemands reculent dans le Nord. Je ne crois pas que nous restions encore longtemps au même endroit.

Pour moi, nous reprendrons bientôt la marche en avant et cette fois pour la bocherie.

4 9bre.

J’écris une carte. Je suis relevé à 6 heures. La nuit a été très calme ; seulement quelques coups de fusil qui ont salué la patrouille qui est allée à Seuzey. Je vais aux tranchées. Pendant la journée, rien de nouveau ; toujours la même vie. La pluie semble revenir à la charge ; mais voilà les Boches qui bombardent, alors pas de pluie ce soir. La journée se passe sans encombre. Je reçois un paquet du 31 8bre. donné à Mme Lefranc ; il me parvient par le ravitaillement.

5 9bre.

J’écris une carte. J’en reçois une du 28 8bre. Nuit tranquille ; quelques coups de fusil isolés, rien à signaler. Nous changeons de tranchées à 5 heures. La journée se passe bien. Il passe quelques aéroplanes qui se font saluer par des obus dont les éclats tombent à nos pieds. Vers 7h. vive fusillade à notre gauche.

6 9bre.

J’écris une carte. Nuit tranquille. Je prends presque un bain ; je me lave des pieds à la tête. Dieu ! Que c’est froid ! Matinée sans bruit ; quelques coups de fusil. On continue toujours à creuser des tranchées.

Le nouveau Colonel est arrivé hier soir. On touche du jambon, du saucisson d’Arles. Je reçois une carte du 23 et une du 30 8bre. Toute la journée nous cuisions : pommes frites, etc.)

Affaire Tribout.

7 9bre.

J’écris une carte. Départ à 5 h. pour la première ligne ; nous avons reçu les conducteurs. Fort brouillard, on n’entend rien ; nous travaillons à l’achèvement des tranchées abris.

On fabrique du chocolat à l’eau.

La nuit vient ; il brouillasse. Vers 11 heures une vive fusillade éclate à notre gauche, cela dure environ une heure et tout rentre dans le plus grand calme.

8 9bre.

J’écris

Je suis de jour, rien de nouveau dans la matinée.

Je creuse des tranchées pendant un moment. Les Boches se sont réveillés, ils tirent un peu le canon. Résultat de l’attaque de cette nuit, une compagnie boche dans les fils de fer et douze tués de chez nous. La nuit vient, rien de particulier, quelques coups de fusil

9 9bre.

J’écris et le matin application du nouveau programme ; Réveil à 5 heures.

De 5 h. à 7 h. soins individuels ; de 7 à 9 h. terrassements ; 9 h. à 11 h.1/2 repos ; 11 h.1/2 à 4 h. terrasse.

A 7 h. nous allons apprendre le lancement des grenades à main. Il fait froid, on croit à la neige. En ce moment, les (…) surnommés marmites tombent à notre gauche. Nuit très froide. Vinot change de place, disant que je ronfle trop fort.

10 9bre.

J’écris et je reçois une carte du 2 9bre.. Brouillard épais, on est gelé. Gymnastique suédoise avec (…) Demain nous changeons. Je suis de garde ; la nuit se passe sans accroc.

11 9bre.

Je prends la garde dans le ravin. Nous travaillons à la réfection des tranchées que l’on doit rehausser et couvrir comme il faut. A la nuit, il vient une section de renfort. Je vais avec m demi-section dans une tranchée qui coupe la prairie ; le brouillard commence à tomber. Pendant la nuit quelques coups de feu et de canon tirés de part et d’autre. Vers 24 h. la pluie commence et tombe à torrents jusqu’à 3 h. Je tends ma bâche et me couvre tant bien que mal. La tempête fait rage ; après la pluie les étoiles et il fait un froid de loup.

12 9bre.

J’écris une lettre. Je suis relevé à 6 heures et nous allons un peu nous chauffer et nous sécher….

13 et 14

….. Pages manquantes….

Pas mal de provisions. La journée se passe entre la pluie et le soleil ; les shrapnells et les marmites nous entourent.

Nous prenons possession d’une nouvelle tranchée très solide. Ce soir, il y a concert, jusqu’à 9h., chants, etc. Pendant la nuit il gèle.

15 9bre.

J’écris – Le sol est couvert de givre ; nous allons faire un tour à la cartonnerie. Vers 12 h. la pluie commence à tomber fine d’abord puis de plus en plus fort. Toute la nuit la pluie tombe par rafales, néanmoins nous dormons très bien, car ayant tendu nos tentes la pluie ne passe pas, mais au matin cela passe et nous sommes noyés pour toute la journée.

16 9bre.

La pluie tombe à certains moments et cesse de même. Mais sous la tranchée, c’est la pluie continuelle, la terre s’égoutte ; A 12 heures, nous recevons l’ordre de nous tenir prêts car la 10ème attaque.

C’est alors une canonnade terrible, tout tremble ; les boches répondent bientôt, mais sans succès. Pour la nuit, nous nous couchons comme nous pouvons, et je vous assure, on n’est pas trop bien. Je reçois un colis par Mme. Baronick.

17 9bre.

J’écris et envoie mon linge. La pluie a cessé et en ce moment il gèle.

Nous allons en première ligne, là aussi les tranchées sont inondées ; nous devons rester équipés, car l’attaque continue ayant réussi sur (…)

A 11 heures une violente fusillade éclate à notre droite : nous nous installons aux créneaux. J’écris mon journal en attendant ; cela dure à peu près une heure. Jusqu’à la nuit, cela pétarade toujours un peu ; Le soir nous ramassons des feuilles pour nous coucher. J’ai trouvé un store que je mets dessous, on s’enroule dans sa couverture et dort pas mal cependant jusqu’au matin. Nuit calme.

18 9bre.

J’écris et reçois une carte du 9. La nuit a été très froide : tout est gelé et le matin il faut se remuer pour avoir chaud. Je prends la garde ; pendant la journée le canon tonne et quelques coups de fusil déchirent l’air de temps à autre. Le soleil est bon, mais gare cette nuit, cela va piquer et malheureusement notre abri n’est pas bon.

Vers St. Mihiel, c’est plus calme, on n’entend plus rien. En ce moment on entend un moteur : c’est encore un Taube. Mais très vite, il file poussé par les obus dont les éclats tombent à nos pieds en susurrant comme une abeille. Je n’ai pas encore eu la veine d’en voir tomber un ; pour avoir ce plaisir.

La nuit promet d’être froide. J’envoie 2 hommes à la cartonnerie pour aller chercher du papier, sans quoi il faudra coucher sur des ramures, ce qui n’a rien de doux ni de chaud.

Nous busons le café le soir et la dessus on se couche, mais, hélas ! Pas pour longtemps.

Chaque heure je suis obligé de me lever pour me réchauffer ; il gèle.

19 9bre.

J’écris chez nous et à Marie, et, reçois une carte du 10.

La nuit a été très froide. Il y a de la glace le matin ; il gèle au point de transformer les gouttières de la toiture en morceaux de glace. Toute la nuit il passe de gros obus qui viennent et vont je ne sais où, car on n’entend ni le départ ni l’arrivée.

Ce matin nous avons repos. Quelques aéros passent dans la matinée. Nous devons avoir la visite du général Cdt. le 6ème Corps d’Armée. La nuit vient.

20 9bre.

J’écris. La nuit a été très froide ; tout est gelé. Le Général de Division vient dans les tranchées.

Dans la journée le soleil se lève ; il fait moins froid.

Toute la nuit le fusillade a roulé du coté de St. Mihiel.

En ce moment c’est un concert d’artillerie.

Ce matin j’ai reçu une carte du (…)

Le soir le temps se couvre, on croit à la neige. Dans la soirée, je pioche ferme pour me réchauffer. La nuit est froide, il a pourtant gelé moins fort que la nuit précédente.

La partie Ouest de (…) saute.

21 9bre.

J’écris. La matinée est froide. Je travaille aux tranchées. Toute la nuit le canon a tonné vers St. Mihiel.

Nous touchons des bandes ; rien à signaler ; on travaille dans la journée.

22 9bre.

J’écris et reçois une lettre du 15 et du 15 de Mme Seilignmann et mon colis du 4.

La nuit a été très froide ; On entendait le vent souffler ; il faisait bon se remuer dans sa couverture.

Malgré cela, quelques petits courants d’air nous faisaient penser que l’on n’était pas au lit, et si on avait voulu l’oublier, le canon qui a roulé toute l nuit se chargeait de faire savoir que l’on était autre part.

Visite à Biesle. Le 283 vient voir les tranchées ; il court des tuyaux (changement). Je prends la garde demain.

23 9bre.

J’écris chez nous et à Madame Seiligmann.

Il ne fait pas si froid que les autres jours.

Je prends la garde à 6 h. au petit poste ; le travail continue jusqu’à 12 h. Les Boches nous envoient des shrapnells sans effet. A 4 heures revue en tenue de campagne (compléments pour les fusils). La nuit vient, le temps n’est pas bien sombre. Les Boches envoient des fusées éclairantes toute la nuit ; ils tirent sur un poste de 10èeme ; les balles passent au-dessus de nous

24 9bre.

Je reçois deux cartes du 16 et du 17 9bre.

Je reçois un colis (flanelle, chocolat).

A 5 h. vient le 288 qui doit nous relever ; Nous donnons les consignes et en route vers un nouveau pays.

Nous n’allons pas bien loin, car on nous autorise à prendre notre literie. Nous occupons les refuges des chasseurs. C’est merveilleux : ils ont creusé la côte entièrement et l’on ensuite reconstruite.

A part quelques portes, on ne se doute nullement qu’il y a des tranchées.

Les abris sont épatants, mais c’est infect. Il nous faire un déblayage complet et ensuite aérer. Pour cela, c’est assez facile ; nous levons les châssis et bientôt cela devient de nouveau très bien.

A ce moment les obus viennent nous trouver, mais voilà que la rafale se calme

25 9bre.

Je reçois une carte du 19 9bre et un colis. J’écris

La nuit a été épatante. Dans nos tranchées nous sommes comme à la caserne. Je lis toute la soirée. Nous dormons très bien ; le matin, la neige a fait son apparition ; nous sommes tous étonnés : malgré cela il ne fait pas bien froid. Le matin nous allons nous laver par peloton.

Nous sommes présentés au Colonel à 10 h. Il nous fait poiroter sous la neige pendant une heure.

Pendant la journée, il neige. Nous sommes très bien dans nos abris. La journée se passe en lectures, bien au chaud dans nos baraques. A 24 heures nous allons faire des tranchées dans la vallée entre le bois de la Selouze et les Chevalliers.

J’en profite pour aller voir J.S. qui est en poste avancé à 200 mètres des boches. On nous tire trois coups de fusil sans nous atteindre ; une balle vient s’écraser sur le mur.

Nous rentrons à 3 h. sans encombre.

26 9bre.

J’écris. Nous achevons notre nuit. J’ai mal aux pieds, je peux à peine marcher. Je crois à un abcès sous l’ongle. Nous passons notre journée à lire des journaux qu’a rapportés un évacué.

A 3 h. ½ nous avons revue d’arme. Il dégèle, sur le soir, il gèle

27 9bre.

J’écris. Cette nuit alerte à 2 h.

La maison brûle ; nous sommes bientôt tous debout et à force de seaux d’eau nous éteignons le feu. Après l’alerte nous redormons jusqu’au matin 6 h.

A 6 h.1/2, corvée de lavage et repos toute la matinée. Dans la journée, repos.

Lecture toute la soirée jusqu’à 9 h.

28 9bre

J’écris. Rien de nouveau. J’envoie du linge.

Nous allons travailler cette nuit près de Seuzey (pose de fils de fer).

Nous partons à 5 h., arrivons à 6 h.

Nous faisons des tranchées, beaucoup de bruit sans toutefois être inquiétés.

Nous rentrons à 11 h. ; je souffre beaucoup de mon pied : je ne sais pas ce que c’est.

Dans la nuit je suis réveillé par la pluie qui me tombe sur la tête : on tend les bâches.

29 9bre.

J’écris et reçois 2 cartes et un colis.

Je suis obligé d’être déchaussé toute la matinée car mon pied me fait mal. La pluie traverse toujours le plafond. Jeu de cartes pendant toute la journée.

La 1ère section prend la garde dans la ferme près de Seuzey. Dans la nuit les Boches bombardent, envoient les ‘noirs’ dans le ravin ; la section tire toute la journée dans Seuzey. La nuit vient.

30 9bre.

J’écris et reçois cartes du 20 et 23 9bre.

40 hommes vont faire des tranchées pour les pièces de 120 qui sont derrière la crête, près de nous. Demain revue du Colonel. C’est exactement la vie de caserne (revue et bêtises de la caserne). Quand vient un aéro ennemi, c’est une retraite générale dans les tranchées. Le temps se remet au beau. Je crois que cette nuit il va geler.

Décembre

1 xbre.

Au lieu de la gelée, c’est la pluie et ce n’est pas plus agréable. Nous changeons de logement ; nous allons à cent mètres plus à gauche dans de grandes baraques. Le déménagement se fait rapidement, nous emportons tout l matériel (poêles, complet de la maison (c’es à dire tout ce qui est utile, parti on ne sait où), …..

2 xbre

Pages manquantes

….. les papiers à terre foulés aux pieds, les photos traînant dans tous les coins. Cette maison appartenait à Mr. Hutin, médecin. On y trouve des tas de bouteilles pharmaceutiques, et même un squelette. Au moment où j’écris cela, je suis sur un sommier dans une pièce donnant juste au dessus de la roue du moulin. Les carreaux sont cassés : dans la chambre sont un berceau, deux lits d’enfants et un poêle en faïence. Les portes sont arrachées et le mur est percé d’un trou d’obus ; le sol est jonché de paille, de verres, de plâtres. Dans la chambre à coté de moi est une sentinelle qui surveille Seuzey. En ce moment, c’est un vrai concert ; nous avons l’ordre de tirer huit cartouches par homme sur des points nous paraissant suspects.

Alors à chaque instant, la maison se transforme en stand. De plus à tout moment un mauvais Boche nous répond et sa balle vient frapper les murs avec un clac caractéristique. N’étant pas loin des batteries allemandes, les obus rasent le toit en produisant un susurrement qui n’a rien de rassurant. Ou bien, ce sont nos 75 ou 125 qui passent pour aller éclater chez ces messieurs.

Malgré tout cela, nous ne sommes guères émus et nous faisons une petite partie de dames qui est assez intéressante. Tout à l’heure j’ai tiré dans une voiture de déménagement d’où un homme disait avoir vu partir un coup de fusil. Mais je n’ai pas vu le résultat, même à la jumelle. Je me place devant un trou d’obus et tire sur des (..)

Je me disposais à partir, quand une balle vient s’écraser contre une pierre à 10 centimètres au dessus de ma tête.

Il était temps. Je n’ai pas pu voir d’où venait le coup, car j’aurais essayé d’être plus adroit que le Boche.

A 6 h. nous sommes relevés par la 12ème. Il faut prendre bien des précautions pour s’en aller, car il fait un beau clair de lune. Malgré cela, nous ne sommes pas salués par des balles.

Le nouveau poste a pour consigne d’établir un poste dans Seuzey. Nous rentrons dans nos abris ; les bleus nous y attendent. Toute la paille est mouillée, malgré cela, on s’équipe comme l’on peut et la fatigue l’emportant on s’endort jusqu’au matin.

3 Xre.

J’écris et reçois 2 colis.

Toute le nuit on reçoit les gouttières, suivant l’expression, on est (repéré).

On lit le rapport ; la pluie tombe toute la matinée. Dans l’après-midi, exercice pour les anciens et jeunes soldats. En lecture jusqu’au soir, vers 9 h.

Demain revue par le …….

4 Xbre.

J’écris

Réveil à 5 h. Les hommes se nettoient jusqu’à 8 h. Revue par le Lieutenant et par le Colonel à 9 h.

La séance est interrompue par un aéro boche qui vient se promener ; nous sommes obligés de nous cacher.

L’après midi, exercice pour les bleus.

On présente les armes aux obus qui passent. A un certain moment, je croyais que c’était le vent qui sifflait dans les baïonnettes ; mais l’éclatement nous fit voir que c’étaient les copains de là bas qui causaient.

Ma demeure est en construction, et, de ce pas, je vais voir où en sont les travaux. Cela n’avance pas vite, car le terrain est mauvais.

5 Xbre.

J’écris.

Pendant la journée exercice et travail. Matinées : exercice d’attaque de tranchées. A 4 heures nous partons pour aller faire un boyau de communication reliant les fermes en avant de Seuzey.

Nous travaillons toute la nuit par la pluie battante ; nous sommes transpercés de part en part. Malgré cela, il nous faut travailler jusqu’à 4 h. du matin. Les officiers trouvant sans doute qu’il faisait trop noir nous laissent en plan, on enrage ; nous rentrons. Alors pour se coucher, c’est une autre affaire. L’eau passe partout, enfin l’on n’est pas à la noce. C’est une belle nuit de St. Nicolas.

6 Xbre.

Nous passons la journée entière à nous nettoyer et y parvenons avec peine, car les effets ne sèchent pas.

Ce soir, bous recevons d’autres bleus.

Nous logeons les recrues avec du mal ; ils ne sont pas enchantés du logement car il pleut autant dedans que dehors.

7 Xbre.

J’écris.

Il pleut ; c’est le déluge ! Malgré cela, il y a un exercice et mon équipe travaille à mon abri. Je ne sais pas si cela sera bien utile, car le Commandant veut que nous couchions dans nos sections (Il nous trouve probablement trop bien).

Malgré cela nous passons encore la nuit dans la maison.

8 Xbre.

Pour ne pas changer il pleut encore. Pour nous consoler, nous préparons un déjeuner de fête (chocolat au lait), ensuite on recommence à travailler. En ce moment les boches envoient des noirs en direction des batteries qui se trouvent près de Lacroix. Mais ils se trompent, car ils envoient tout sur le crête en face, ils la labourent. A ce qu’il paraît, ils ont atteint une pièce : quelques blessés, aucun dégât matériel.

9 Xbre.

Le temps s’est remis au variable. Dans la matinée, je suis obligé de déménager ; nous rentrons dans nos sections. Toute la matinée je travaille à m’arranger un petit coin ; je taille dans le roc pour y ajuster quelques planches.

Les Boches nous envoient des shrapnells qui éclatent juste au dessus du toit des abris.

Dans l’après-midi, les bleus font l’exercice et reçoivent des obus ; il y a de nombreux blessés.

Dans la soirée, nous allons travailler à Seuzey. Je vais avec mon équipe faire une tranchée à 250 m de Seuzey. Tout d’abord, je ne la trouve pas. Alors je prends deux hommes et vais éclairer en avant. (Pour faire une patrouille, il faut une volonté, un courage que l’on ne soupçonne pas. Ce n’est pas comme au combat, dans l’ardeur de la lutte où l’on ne pense plus à rien, qu’à tuer et à en démolir le plus possible. Non, là on avance pas à pas, la baïonnette haute, le doigt sur la détente. On reste à plat ventre 10 minutes devant un buisson, ensuite on rampe jusque là et on s’aperçoit qu’il n’y a rien.

Si l’on mène a bien sa tâche, on sent un soulagement bien compréhensible quand on rentre dans les lignes parmi ses camarades, et cela, de l’avis de tous ceux qui on fait des patrouilles).

Enfin je trouve ma tranchée ; il faut creuser pour tirer debout. Au bout de cette tranchée se trouvait un petit poste du 283. Nous nous approchons ; les hommes se cachaient retenant leur souffle. Nous demandons qui est là ? Alors ceux-ci de répondre avec leur accent méridional.

Nous avions préparé nos fusils et allions tirer ; nous leur faisons la leçon et les prévenons qu’un des nôtres va faire une patrouille dans les lignes allemandes, qu’ils ne tirent pas dessus.

Je quitte le travail à 24 h. Le copain Michel fait sa patrouille dans le village ; il rentre sans difficulté ; par précaution, il dit à ses hommes en allemand : ne faites pas de bruit, je crois qu’il y a des Français là bas. Il donne un coup de baïonnette dans un buisson et sent que sa baïonnette est prise. Au même moment retentit un formidable « Halte-là » dit en français et deux coups de fusil le suivent.

La suite au prochain carnet